Prince a fait du Centre Bell son royaume, vendredi soir. En toute autorité, il en a géré l'euphorie des 12 092 spectateurs présents... et même leurs téléphones portables, interdits formellement pendant le spectacle sous peine d'expulsion.

Malgré cette intransigeance déplorable, ce fut un grand soir de fête. Le condensé idéal pour arénas, synthèse de l'exercice mémorable auquel les fans les plus finis de Prince ont eu droit l'été dernier au  Métropolis.  Je fus présent à ces deux soirs, je le fus également vendredi. Alors? Ce que nous avons perdu en jouissance mélomane et en durée, nous l'avons gagné en spectacle et en intensité. Plus de deux heures de showbiz exceptionnel, ambiance surchauffée, corps en liesse.  

Moments d'anthologie, les concerts du Métropolis ont comblé les amateurs de musique haut de gamme, ceux qui aiment voir les meilleurs bands d'accompagnement, les meilleurs instrumentistes, interprètes capables de transformer une chanson de trois minutes en une aventure de quinze ou vingt minutes. Le concert du Centre Bell s'adressait aux fans de Prince, la superstar qui ne prend pas une ride, le fabricant de hits.

Si nous n'avons pas eu le luxe cette fois de contempler ces séquences allongées de jazz, funk, R&B, rock, blues ou classic pop, nous avons néanmoins eu droit à un feu roulant de beat, de riffs, voix solistes et voix harmonisées par trois choristes et une guitariste qui chante, ponctuées par le jeu proverbial du saxophoniste (alto) Maceo Parker - qui fut jadis un pilier pour feu James Brown.

Au centre du fameux signe cabalistique qui le désigne et qui faisait office de scène centrale, l'Artiste a surgi maintes fois du sol, a multiplié les solos de Telecaster. Il a chanté, dansé, stimulé la foule, invité quelques fans à monter pour se trémousser ou même chanter. Inutile d'ajouter que le coquet personnage a changé de fringues! Escale nordique oblige, Roger Nelson était d'abord chaussé de bottes de poils longs et blancs, soit la couleur dominante des costumes de scène . Afro-Inuit, le Prince ?

Installé dans une fosse d'orchestre, s'exprimait un superbe band à majorité féminine, à peu près le même que celui présenté au dernier Festival International de Jazz de Montréal -  Morris Hays, claviers, John Blackwell, batterie, Ida Nielsen, basse, Andy Allo, guitare et voix, Cassandra O'Neal, claviers, sans compter les choristes Shelby Johnson, Elisa Dease et Olivia Warfield qui ont ratissé l'espace et passablement stimulé les admirateurs de leur employeur.

Comme prévu, la rencontre fut propice à l'interprétation d'une pléthore de classiques: DMSR, Musicology (assortie d'un  thème de Charlie Parker aux claviers), Housequake, Take Me With U, Rasberry Beret, Cream, Let's Go Crazy, Delirious, 1999, Little Corvette, Kiss et autres Controversy. On aura eu droit à un pot-pourri servi par le chanteur seul, façon quasi technoïde - When Doves Cry, Sign O The Times, The Most Beautiful Girl In The World, Hot Thing, Darling Nikki, I Would Die 4 U . On aura également identifié des reprises: Don't Stop Til You Get Enough (Michael Jackson), You Make You Feel My Love (Bob Dylan) ou I Love Rock'n'Roll (The Arrows). On vous épargne quelques titres un peu moins connus et on relate 21 chansons au programme de ces deux heures et plus passées avec le monarque.

Il fut d'autant plus remarquable d'observer le caractère multi-générationnel et pas vraiment «familial» de cette foule réunie par le groove, la danse, l'immense talent de cet immense showman. Seule ombre au tableau, cette interdiction ridicule d'utiliser les téléphones portables; en 2011, rien ne peut désormais justifier une telle consigne, même lorsqu'on a 53 ans et qu'on est devenu célèbre au tournant des années 80.

Prince, on le sait, est un «control freak»... et semble pleinement assumer ce paradoxe. Pour arriver à de tels résultats et se maintenir au sommet pendant plus de trois décennies, comment pourrait-il en être autrement ?Enfin... ces considérations sont bien secondaires s'il faut résumer cette soirée de vendredi.

Appels gigantesques, réponses gigantesques, magnifiées par les éclairages, écrans géants ou de moyenne taille (sur les claviers, entre autres). L'apothéose fut atteinte lorsqu'une tornade de confettis mauves a balayé l'atmosphère pendant que les fans entonnaient la finale mélodique de Purple Rain, suggérée par son créateur.

La vie en mauve? Mets-en.