Leslie Feist s'apprête à faire vivre les métaux sur scène. Pour de vrai? Bien sûr, il s'agit des Metals de son plus récent album ainsi intitulé, et dont elle a amplement expliqué les vertus métaphoriques dans de multiples interviews accordées au début de l'automne. Pour cette conversation, donc, abordons d'abord ce nouveau spectacle qu'elle tourne depuis quelques semaines en Europe et en Amérique du Nord.

«Gonzo (Chilly Gonzales) et Mocky, qui ont oeuvré à Metals (comme ils l'avaient fait auparavant), ne sont pas avec moi sur scène, mais demeurent très présents dans l'ambiance dégagée par ma musique. Heureusement, je peux compter sur des musiciens de même esprit: pour chaque chanson, ils peuvent suggérer leur propre interprétation tout en en conservant l'esprit originel. Aucun d'entre eux ne succombe à la redondance, aux habitudes paresseuses. Ce groupe ne cesse de me tenir sur la brèche!» explique Feist d'entrée de jeu.

Entre autres musiciens de cette tournée, se présente aux claviers Brian LeBarton, connu pour avoir accompagné notamment Beck et Charlotte Gainsbourg - et qui a participé à l'enregistrement de Metals. À la batterie officie Paul Taylor, musicien originaire de Nouvelle-Zélande. Aux guitares et claviers, on retrouve Charles Spearin, que Feist a côtoyé via ses collaborations sporadiques au de Broken Social Scene, fameux groupe torontois à géométrie variable. Complètent le portrait trois chanteuses de la formation vocale américaine Mountain Man, dont Feist a beaucoup aimé l'album - Made the Harbor.

«Pour  la première fois, indique leur employeuse, je peux compter sur des choristes sur scène et celles-ci sont phénoménales. En certaines occasions, des cordes et des cuivres se joignent à nous. Nous pouvons aussi  travailler avec des sections locales, car tous les arrangements de cet album sont écrits, partitions qui laissent aussi place à l'improvisation. À Montréal? Je ne sais pas encore. S'il y a lieu de le faire, nous déciderons des ajouts à la dernière minute.»

Ainsi, Feist reprend contact avec son public après la pause prolongée au terme du cycle de l'album Reminder, paru en 2007, suivi d'un fort beau spectacle dont l'ultime représentation montréalaise avait eu lieu devant 6000 personnes, soit au Centre Bell en novembre 2008.

«La dernière fois que j'ai donné des interviews à Montréal, se rappelle-t-elle, mon dos avait carrément bloqué et j'avais dû suspendre d'urgence cette séance afin de consulter un médecin. N'ayez crainte, je suis en santé aujourd'hui!» indique la chanteuse dont on perçoit le rire en direct de son domicile torontois. On apprendra, d'ailleurs, que Feist, a définitivement regagné le Canada après avoir vécu quelques années en France.

«Officiellement, j'abandonnerai mon appartement parisien le printemps prochain. J'ai finalement décidé de retourner m'installer à Toronto, car j'y passe plus de temps qu'en France depuis un bon moment déjà. C'est plus facile pour ma carrière, cette vie me semble plus familière. Et... j'avoue ne pas avoir appris à très bien parler le français, ce qui me rendait la vie un peu difficile à Paris. Cela dit, j'ai chanté récemment à l'Olympia, j'ai le sentiment que cette ville restera quand même un second chez moi. D'autant plus que mes amis Renaud Letang et Chilly Gonzales, avec qui je crée mes albums, vivent toujours là-bas. Qui plus est, mon étiquette principale dans le monde est Polydor France.»

Pour l'enregistrement de Metals, on sait que Feist a pris la direction opposée à l'Europe: Big Sur, lieu mythique de la Californie septentrionale.

«Cet endroit est extraordinaire, s'exclame-t-elle. Ce que je connaissais de là-bas, je l'avais appris de John Steinbeck, Henry Miller ou Anaïs Nin. Surtout Steinbeck où plusieurs de ses histoires se passent exactement dans ce cadre. On y contemple sa vision macroscopique de l'humanité et aussi sa vision microscopique - le vol d'une mouche dans un restaurant, par exemple. Cette vision de Steinbeck  m'a totalement inspirée pour Metals. À la blague, je dis que cet auteur est la plus importante influence musicale pour cet album! Je m'étais donc arrêtée au Big Sur des années 30 et 40 avant de m'y rendre. J'ai alors réalisé que des choses très importantes s'y sont produites par la suite, soit dans les années 60. Pour moi, donc, le choix de ce lieu ne pouvait être plus romantique.

«Nous y avons travaillé dans une grange où aucun album n'avait été créé jusqu'alors. Nous y avons construit un studio temporaire, nous y avons passé  deux semaines et demie, donc une très courte période. La prise de son s'est très bien passée, nous avons enregistré à la manière d'un concert. Par la suite, le mixage a été plus ardu. Dans une interview, Neil Young disait à juste titre que, plus l'enregistrement est proche du live, plus le mixage devient complexe. Effectivement! Nous avions utilisé un grand nombre de micros qui furent témoins de l'aventure; il fallait ensuite choisir lesquels raconteraient l'histoire. Sur ce plan, Renaud Letang fut très créatif. Je lui ai accordé la même confiance qu'à mon médecin!»

Avec le recul qu'en procure l'expérience sur scène, l'album Metals représente-t-il Feist une étape marquante de son évolution? Elle rend ce verdict:

«J'y vois une évolution naturelle, c'est un territoire infini que je continue d'explorer avec mes amis. Pour les textes, j'ai travaillé seule et j'y ai mis le plus grand soin. J'ai pesé chaque mot sans que personne de mon entourage n'en soit témoin.  Avant de décider d'enregistrer cet album, personne ne savait que j'écrivais du nouveau matériel. Je ne sentais pas la pression de le présenter. J'ai donc pris le temps de bien faire les choses plutôt que d'écrire sur la route comme je l'avais fait auparavant.»

Ce dont elle est vraiment fière?

«Je demeure très proche de Metals. J'estime avoir réussi à en protéger l'idée originelle tout en faisant preuve de vision - c'est-à-dire rester ouverte à son évolution à travers le processus de sa création.»

Le nouveau spectacle de Feist est présenté ce samedi au Métropolis de Montréal, lundi au Centre national des Arts à Ottawa et mardi à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec.