Pour marquer ses 30 années de carrière, Étienne Daho propose une luxueuse compilation conçue par lui-même, de même que des éditions enrichies de trois albums phares.

Dans les années 70, un jeune Rennais s'est occupé de l'organisation locale du spectacle des Stinky Toys, un groupe punk rock parisien dont faisaient partie Jacno et Elli Medeiros. Il y eut tempête hivernale après le spectacle ce soir-là. Impossible de parcourir les quelques centaines de kilomètres séparant la capitale bretonne de Paris. Le groupe passe alors la nuit chez le jeune organisateur, un dénommé Étienne Daho. Dont la vie ne fut plus jamais la même.

Nous avons fait de la musique ensemble toute la nuit, se rappelle au bout du fil celui qui célèbre aujourd'hui 30 ans de carrière. Nous avons beaucoup parlé et nous avons refait le monde. À l'époque, j'étais beaucoup trop timide pour m'avouer à moi-même mes aspirations musicales; encore davantage pour les partager avec d'autres. L'alcool aidant, j'ai révélé cette nuit-là mon ambition à quelqu'un pour la toute première fois. Et on m'a dit que j'avais du talent. Quand des gens que vous admirez vous disent ça, ça donne confiance.»

Jacno a d'ailleurs signé la réalisation de Mythomane, le tout premier album d'Étienne Daho, paru il y a exactement 30 ans. Pour souligner cet anniversaire, on remet sur le marché des rééditions remastérisées et enrichies de trois albums phares: Mythomane (1981), Pop Satori (1986), et Corps et armes (2000). Une nouvelle compilation sur double CD, intitulée Monsieur Daho, comporte par ailleurs 40 chansons sélectionnées par l'artiste lui-même, dont deux sont inédites.

Plutôt que d'aligner des tubes, il me semblait plus intéressant de profiter de l'occasion pour faire un vrai tri, et garder ce que je sens être le meilleur de tout ce que j'ai fait. Évidemment, il a fallu faire des choix et se limiter à deux CD, mais je dirais que globalement, on trouve sur cette compilation les chansons que je préfère, dans les versions qui me semblent les plus accomplies.

J'ai réécouté tous les enregistrements, poursuit-il. Et je me suis aperçu que le souvenir maquille parfois un peu les choses. L'exercice est difficile à faire, car on n'entend que ce qui ne va pas! C'est dire que j'assume entièrement les enregistrements qui se retrouvent sur cette nouvelle compilation. Ce sont toutes des chansons qui me tiennent à coeur. Cet exercice artistique me permet aussi de remettre en lumière des chansons qui n'ont pas nécessairement été des tubes.»

Un combat

L'éminent mélodiste, qui dit entendre de la musique en permanence dans sa tête («même quand je vous parle!»), estime que l'écriture d'une chanson relève toujours d'un combat. «On se bat avec elle pour arriver à quelque chose qui soit le plus réussi possible. Du plaisir dans l'écriture? Pas vraiment. Je dirais même que le processus est parfois un peu douloureux. En fait, c'est un plaisir quand c'est fini! L'expérience m'a appris qu'il valait mieux parfois ne pas trop s'obstiner. En revanche, certaines chansons me sont venues dans mon sommeil ou dans un état de rêverie. J'ai dicté des chansons comme Bleu comme toi, Le grand sommeil ou Au commencement pratiquement d'un bout à l'autre comme ça. J'ai toujours un dictaphone près de moi. Même quand je dors!»

Une promesse

Même si certains titres anglais font partie de sa discographie, Étienne Daho tient farouchement à chanter en français. «C'est ma culture, tout simplement, dit-il. Et notre langue est très riche. Notre pensée passe par le langage aussi. À l'étranger, en Grande-Bretagne notamment, ce sont mes chansons en français qui obtiennent le plus de succès. Parce qu'elles ont leur identité. Ma façon de chanter est plus émotionnelle. Et forcément meilleure que si je chante en anglais avec l'accent de Maurice Chevalier!»

De passage sur une scène montréalaise plus tôt cette année pour livrer avec Jeanne Moreau le remarquable poème de Jean Genet Le condamné à mort («un extraordinaire souvenir», dit-il), Étienne Daho compte remettre le Québec à son programme de tournées. Le dernier spectacle de ce phobique de l'avion à Montréal remonte à 1993.

Mais là, c'est bon, prévient-il. Et je compte bien aller présenter chez vous le spectacle qui suivra la parution de mon prochain disque.»

Ses admirateurs québécois n'oublieront certainement pas cette promesse.