Nouveau record d'occupation, de part et d'autre de la rampe, hier soir à l'Orchestre symphonique des étudiants de McGill. Sur la scène remplie jusqu'à déborder, ils étaient plus d'une centaine, avec leurs instruments, pour la gigantesque Troisième de Mahler, tant et si bien qu'il fallut poster au milieu de la salle, parmi les spectateurs, les deux choeurs qui interviennent à la fin de l'oeuvre. Or, comme la capacité de Pollack Hall est de 600 places, McGill n'exagérait aucunement en affichant «complet» hier soir. On annonce d'ailleurs la même chose pour la reprise, ce soir.

Cette troisième Symphonie de Mahler, comme d'ailleurs toutes les autres, n'est plus une nouveauté dans cette ville. L'OSM l'a donnée au moins huit fois. On l'a aussi entendue à l'OM et, dès 1995, à McGill: Timothy Vernon la dirigea en effet avec la même soliste que cette fois-ci, mais qui s'appelait alors Maria Popescu. Le concert de 1995 avait eu lieu à l'église Saint-Jean-Baptiste et c'est encore là qu'on devait aller cette année. Mais, à cause de la grève à McGill, il fallut demeurer à la maison.

Encore une fois -- et tant pis si j'ai l'air de me répéter --, Alexis Hauser et son armée de brillants jeunes sujets nous valent une soirée de complet étonnement. Comme toujours, le chef autrichien, titulaire à McGill depuis plus de 10 ans, dirige de mémoire, et sans oublier une seule des innombrables nuances indiquées par Mahler dans ce vaste poème de la nature. C'est un premier exploit, et double, car il s'agit d'une partition extrêmement touffue, très longue (une heure et 40 minutes, sans entracte) et rassemblant un orchestre très augmenté (huit cors, deux harpes, grosse percussion, etc.) qui, dans le cas présent, est formé d'étudiants ayant peu, ou pas du tout, l'expérience du concert. Sur leurs visages se lit la pleine confiance qu'ils ont en leur mentor. Il faut d'ailleurs observer celui-ci : un geste énergique du bras et deux groupes, aux deux extrémités de l'orchestre, se répondent instantanément!

Le tapage infernal produit par cette multitude d'instruments dépasse par moments ce que les murs de Pollack peuvent contenir. À l'opposé, Hauser sait réduire le volume à un degré proche du silence. Bref, dans le délire ou dans l'accalmie, il rejoint exactement ce que Mahler demande.

Sur le strict plan de l'exécution orchestrale, le résultat est, encore une fois, d'un niveau très haut et même supérieur à celui de certaines formations professionnelles. Toutes les sections sont très solides et certains solos méritent la meilleure mention. Ainsi, le trombone au premier mouvement. Le violon-solo est un peu plus faible par endroits.

On aura noté, au quatrième des six mouvements, l'exactitude avec laquelle Hauser amène le hautbois, et occasionnellement le cor-anglais, à réaliser 14 fois l'étrange petit glissando qui, indiqué «hinaufziehen» (c'est-à-dire «en tirant vers le haut»), suggère le cri de quelque oiseau nocturne. Bien des chefs ignorent complètement ce détail.

Les brèves interventions du choeur de femmes et du choeur de garçons ont été bien répétées et Annamaria Popescu chante avec justesse et dignité. On se demande simplement pourquoi McGill n'a pas fait appel à l'une de ses élèves pour ce solo relativement facile.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE McGILL / McGILL SYMPHONY ORCHESTRA, Voix de femmes du McGill University Chorus (dir. François Ouimet) et Petits Chanteurs du Mont-Royal (dir. Gilbert Patenaude). Soliste: Annamaria Popescu, mezzo-soprano. Chef d'orchestre: Alexis Hauser. Hier soir, Pollack Hall de l'Université McGill. Reprise ce soir, 19 h 30.

Programme:

Symphonie no 3, en ré mineur, avec mezzo-soprano, choeur de femmes et choeur d'enfants (1895-96) - Mahler