Peter Gabriel est partout ce mois-ci: en trois dimensions, au cinéma ou sur DVD, ainsi que sur CD. Toutes ces sorties sont des excroissances du concert New Blood, avec grand orchestre, présenté en première nord-américaine au Centre Bell en mai 2010. Un an et demi plus tard, ce concert symphonique se transporte en Amérique du Sud et au Mexique. Et Peter Gabriel en est le premier étonné.

«Je pensais que ce serait un projet de courte durée», confie Peter Gabriel quand nous le rencontrons après le visionnement du film 3D New Blood Live in London. Pourquoi cette aventure symphonique, qui ne devait faire que six escales, se poursuit-elle donc encore aujourd'hui? Fidèle à son habitude, le chanteur britannique réfléchit, puis tente une réponse : « Après avoir assisté à un de mes spectacles, David Crosby m'a dit que je faisais quelque chose de nouveau en musique: "Ce n'est pas du rock, ce n'est pas du classique, mais tu as découvert une nouvelle voie." Je ne l'avais pas vu de cette façon, mais ça explique peut-être pourquoi j'aime tellement ça. La forme orchestrale est très vieille, mais pour moi, c'est un nouveau territoire.»

L'orchestre donne à la musique de Gabriel un côté théâtral auquel on l'a toujours associé, de Genesis à nos jours. Il acquiesce, puis ajoute: «Il y a une facette de la théâtralité que je n'aime pas. Mais j'aime le sens du drame et l'émotion quand on raconte une histoire. Et je pense qu'avec John Metcalfe - orchestrateur du spectacle - on l'a très bien réussi.»

La conversation bifurque sur Robert Lepage, un ami de longue date, et Gabriel en profite pour en dire un peu plus sur sa relation amour-haine avec le théâtre: «Robert fait du théâtre pour le monde. Je n'aime pas le théâtre ou plutôt j'aime ça à l'occasion quand ce sont de grands textes. Mais le travail de Robert est pour moi une forme de poésie, c'est de la nourriture pour l'imagination en même temps que pour les yeux, les oreilles et le coeur. D'une certaine façon, c'est aussi un bel objectif pour moi.»

Le film New Blood Live in London, tourné en mars dernier, est consacré essentiellement à la deuxième partie du spectacle de Gabriel, où il reprend ses propres chansons à la manière symphonique. Les plus convaincantes sont celles plus grandes que nature et pas les plus commerciales: San Jacinto, Signal to Noise et Rhythm of the Heat. «J'ai spécifiquement choisi des chansons qui avaient ces qualités plutôt que Sledgehammer ou Games Without Frontiers, explique Gabriel. J'ai fait Solsbury Hill, mais je ne voulais pas l'inclure sur le disque parce qu'elle est plus ludique, plus légère. Mais les fans l'ont réclamée et j'ai cédé à condition qu'il y ait un interlude juste avant ce petit cadeau. J'ai donc envoyé mon ingénieur du son enregistrer tous les sons qu'il pouvait entendre à Solsbury Hill même.»

Le CD New Blood a été enregistré en studio afin d'obtenir le meilleur équilibre possible des instruments. Le fan fini peut également s'en procurer une version enrichie comprenant un deuxième disque des versions instrumentales des mêmes chansons. Gabriel aime la richesse et l'émotion que procure un grand orchestre, mais il constate que ce ne sont pas tous les musiciens classiques qui sentent le groove. «Le début de Digging in the Dirt était le bout le plus difficile à jouer pour eux. Lors des premiers concerts - comme à Montréal - ça ne fonctionnait pas du tout, mais c'est mieux aujourd'hui.»

Aura-t-il autant de plaisir la prochaine fois qu'il remontera sur scène sans grand orchestre? «Je pense que mon approche sera différente, répond Gabriel. Souvent, tu laisses jouer les musiciens parce que tu veux qu'ils soient heureux. Mais maintenant que je connais la valeur du silence, je ne pense pas leur accorder autant de latitude.»

Dans le film New Blood, un spectateur, sans doute à la blague, lui réclame la suite Supper's Ready de Genesis. On sait qu'il y a quelques années, Gabriel a discuté avec ses anciens camarades de la possibilité de rejouer The Lamb Lies Down on Broadway et de filmer ce spectacle pour la postérité. Finalement, Gabriel s'est désisté et même Tony Banks, son ami de toujours, n'a jamais su pourquoi au juste.

«J'étais intéressé, mais ça devenait plus gros que je l'aurais voulu, répond Gabriel. Et puis aussi quand Womad - NDLR : le festival de musique du monde qu'il a fondé en Angleterre - a fait faillite et que Genesis a donné avec moi un concert-bénéfice, on n'a pas eu assez de temps pour répéter parce qu'ils étaient en tournée. Donc je me suis dit que si jamais on devait le refaire, il faudrait que ça soit vraiment bon.»

Led Zeppelin l'a fait en 2007. Gabriel y était, il a trouvé ça « très bon » et il ne tarit pas d'éloges envers le batteur Jason Bonham. Mais s'il comprend que les fans chérissent pareilles retrouvailles, il n'est pas très porté lui-même sur la nostalgie. On ne peut figer le temps, mais seulement en obtenir un reflet, dit-il, philosophe.

Fans du vieux Genesis, ne retenez pas votre souffle.

New Blood, Live in London in 3D, dans les cinémas Cineplex, les 12 et 17 octobre.

Le film sera disponible en DVD, Blu-ray et 3D, le 24 octobre.

Le CD New Blood sera en magasin le 11 octobre.