Whokill, deuxième album du groupe tUnE-yArDs que dirige Merrill Garbus, a récolté en 2011 d'excellentes critiques formulées par 34 médias anglo-saxons, américains et britanniques, médias parmi les plus influents que recense le site internet Metacritic. Obtenir une moyenne globale de 86% lorsqu'on est une illustre inconnue, voilà qui éclipse illico la deuxième partie de l'expression!

De retour chez par la grande porte de Pop Montréal après s'y être produite plus discrètement en mai dernier, l'Américaine raconte sa trajectoire et les effets multiples de cette propulsion encore récente. Et, il va sans dire, évoque son séjour de trois ans et demi au Québec.

«Depuis que je sais que tUnE-yArDs sera au festival, des souvenirs chers me reviennent à l'esprit. Et il me semble évident que mon groupe ne pourrait exister si je n'avais pas vécu à Montréal. Avant d'y vivre, je n'avais pas cette notion de vie modeste parmi des être humains hautement créatifs. C'est à Montréal que j'ai évolué au sein du groupe Sister Suvi (avec Patrick Grégoire devenu Pat Jordache), j'y ai vécu mes premières expériences professionnelles. Lorsque j'ai quitté votre ville pour l'amour d'un garçon de Californie, j'ai réalisé aussi que je ne pourrais jamais plus vivre comme une Américaine moyenne» raconte l'artiste, jointe il y a quelques jours. Ainsi, Merril Garbus vit à Oakland dans la Bay Area, à l'instar de ses musiciens.

Autodidacte, l'artiste originaire du Connecticut provient d'un milieu propice à la création et l'éveil musical.

«Ma mère jouait du clavecin lorsque j'étais enfant, elle m'a fait connaître la musique de la Renaissance. Mon père, lui, jouait le violon traditionnel des Appalaches. Cela étant, je suis autodidacte; j'ai étudié le théâtre à l'université, après quoi j'ai travaillé dans une troupe avant de venir au Québec. Mon approche vocale, d'ailleurs, vient d'abord du théâtre, bien que j'aie étudié le chant et participé à des chorales. Je voulais être actrice de cinéma! (rires) En fait, j'étais une adolescente timide à l'école secondaire. C'est ce qui m'a conduite à la scène car je pouvais y exprimer ce que je ne pouvais exprimer dans mes relations interpersonnelles.»

De toute évidence, notre interviewée a réussi à mater sa timidité et contourner ses carences en éducation musicale: force est de constater que son véhicule artistique est puissant, profondément singulier.

«Le hip hop, soulève-t-elle, est à la source de mon travail. La notion de collage, de copier-coller est un processus de création clairement hip hop. Ainsi, je m'inspire de cette manière de piger des fragments de sons existants afin d'aménager mon propre univers. Dans ma musique, il y a aussi le blues, la soul, l'état de presque transe qu'induit le reggae dub. Vous avez repéré des éléments de musique pygmée chez tUnE-yArDs? C'est vrai! Un jour, j'envisageais développer le yodle, une amie m'a alors prêté un enregistrement de musique pygmée. Ça a eu certainement un impact sur ma composition.»

Star montante de la musique indépendante, Merrill Garbus est certes consciente des conséquences du buzz à son endroit. Trop consciente?

«Je suis encore en train de digérer! Depuis l'an dernier, ma vie a beaucoup changé. Je ne cesse de tourner, cette vie très active est encore pour moi une nouvelle exploration. Même si les salles sont pleines et enthousiastes partout où je passe, j'essaie de rester humble et ne rien tenir pour acquis. J'ai encore le sentiment d'avoir beaucoup à apprendre. Je sais qu'il me faut encore absorber un maximum d'informations musicales, rester souple et ouverte au changement. Ne pas avoir étudié dans une faculté de musique est une motivation supplémentaire Dans toutes les zones où j'identifie mes lacunes, je fonce.»

Quant à la dithyrambe à son endroit, elle sait bien qu'il s'agit d'une arme à double tranchant.

«Cette nouvelle pression m'a d'ailleurs créé des ennuis de santé. Ça va mieux maintenant mais il faut désormais réaménager mon temps. Trouver un équilibre, reprendre contact avec ma vie personnelle, mon entourage. Bien sûr, je savoure cette chance que j'ai de faire carrière en musique mais... cette vie n'a plus rien à voir avec celle que je menais dans mon petit appartement de la rue Clark sans que personne n'y porte attention. Je dois en déduire que ça fait partie de mon apprentissage.»

Dans le cadre de Pop Montréal, tUnE-yArDs se produit ce vendredi, 22h, à la Fédération Ukrainienne.