Il y a 15 ans, le DJ a acquis le statut de pop star. Aujourd'hui, force est d'admettre que son étoile a pâli. Son rôle est même banalisé en raison de l'abondance de musique et de la quincaillerie technologique qui facilite le travail. Le métier de DJ est-il en voie de disparition?

La mode des iPod Battles, qui a fait long feu il y a cinq ans, a symbolisé à elle seule le déclin du DJ star. Avec une banque de mp3 moindrement fournie et de simples outils technologiques, tout le monde pouvait s'improviser DJ.

Misstress Barbara est pessimiste face à l'avenir de ce métier qui la passionne toujours. «Oui, je pense que c'est en péril», croit celle qui a fait le tour du monde pendant une dizaine d'années, avant de miser sur sa carrière d'auteure, compositrice, interprète et productrice.

«Depuis 10 ans, le milieu a beaucoup changé. Mais c'est la crise économique qui l'a le plus affecté. Dès 2008, en Europe, ç'a baissé. Les gens avaient moins d'argent pour sortir. Des clubs ont fermé et les cachets des DJ ont fondu. Qu'il y ait de plus en plus de DJ sur le circuit n'a pas aidé non plus», explique-t-elle.

Il faut remercier les ordinateurs et l'internet pour cette abondance de disc-jockeys, et de nouvelles compositions de musique électronique. «Aujourd'hui, les jeunes maîtrisent les ordinateurs», note Vincent Lemieux, programmeur à MUTEK, patron de Musique Risquée et DJ. «Moi, j'ai eu mon premier ordi à 21 ans! Quand j'ai commencé, on visitait les disquaires pour acheter du vinyle à 15$ le simple. Aujourd'hui, tu n'as qu'à visiter Boomkat, Juno et Beatport pour pouvoir tout acheter en mp3 ou .wav pas trop cher. Et ça, c'est si les DJ achètent vraiment leur musique...»

Abandonnant le vinyle au profit des CD gravés et des fichiers musicaux, les DJ ont aussi adopté les logiciels comme Traktor, Serato ou VirtualDJ, des outils farcis d'options pour manipuler la source sonore, jusqu'à pouvoir réaliser des mixes sur le tempo (beatmatching) automatiquement. Avec les bons logiciels, tout le monde peut-être DJ. «C'est rendu que des groupes rock font des gigs de DJ, proteste Misstress Barbara. Eux qui raillaient autrefois sur la job de DJ!»

Tout le monde est-il pour autant un bon DJ? Qu'est-ce que c'est, un bon DJ, d'ailleurs? Pour DJ Lexis, «c'est quelqu'un qui écoute tellement de musique qu'il sait en tirer le meilleur. C'est un job d'autant plus important aujourd'hui qu'il se fait de plus en plus de musique. De la de bonne, mais beaucoup plus de mauvaise.»

«Il faut être à l'écoute du public, estime Vincent Lemieux. Un bon DJ, c'est quelqu'un qui sait réagir aux gens et qui, après une soirée, va donner un bon souvenir aux danseurs.»

«Ça fait presque 40 ans qu'il y a des DJ, ajoute-t-il. Si le métier avait eu à disparaître, ça ferait longtemps que ça se serait produit. Mais il est quand même plus difficile aujourd'hui de vivre de ce travail.»