Qui se souvient du reggaeton, genre musical de l'été 2004? Certainement ces millions de Latino-Américains d'ici, des États-Unis et d'un peu partout au sud du continent, où le genre est toujours une force motrice de la musique populaire et où l'un des pionniers du genre, Daddy Yankee, est roi. Avant son concert de ce soir, entrevue avec la star qui sable le champagne avec Jay-Z mais qui, au cours des derniers jours, s'est adonnée à des tâches un peu plus terre à terre...

Voilà deux jours qu'on essaie de se parler. Rien ne fonctionne. Ce n'est pas la faute de Daddy Yankee, mais celle de l'ouragan Irene. Résultat: pannes d'électricité, récoltes perdues et routes fermées à cause des inondations.

«Bien sûr, on a l'habitude des ouragans, mais jamais des dommages que ça occasionne», dit Yankee, maintenant que les communications ont été partiellement rétablies. «Partout dans les rues, la voirie fait le ménage. Notre maison n'a pas trop été touchée, mais il faut rester avec la famille et donner un coup de main aux voisins.»

Irene n'empêchera pas Daddy Yankee de venir donner son tout premier concert à vie à Montréal, sept ans après l'ouragan reggaeton qui s'est déversé sur les radios nord-américaines et qui a été déclenché par Yankee lui-même et son succès Gasolina.

Soit, il arrive tard après le succès initial du reggaeton, mais ça ne rend sa visite que plus intéressante. Car une fois la mode passée, il faut savoir durer, il faut s'adapter. Ce que Yankee et ses comparses portoricains Don Omar, Wisin&Yandel et Zion&Lennox, pour ne nommer que ces poids lourds, ont réussi. Et puis, on dit que les concerts de Yankee sont explosifs: «On ne m'appelle pas Caribbean Fire pour rien! clame-t-il. Je viens avec mes DJ, choristes et danseurs. Ça va danser, vous pouvez le croire - même si vous ne parlez pas l'espagnol, c'est l'énergie qui l'emporte!»

Né au courant des années 90 de la scène reggae panaméenne par le truchement d'une déformation espagnole du rap et du dancehall introduite par la légende El General, le style a pris racine à Porto Rico, d'où sont issues les plus grandes vedettes du genre.

Le reggaeton a une signature rythmique aisément reconnaissable qui s'appuie sur le riddim jamaïcain Dem Bow (popularisé par Shabba Ranks), ce qui a fait dire aux détracteurs que tous les artistes reggaeton ont le même son.

Il faut suivre l'évolution du genre pour constater le contraire: le succès latino de cet été, Taboo, du Portoricain Don Omar, exploite la pop brésilienne en extrapolant sur l'air de la lambada. Tu Olor, de Wisin&Yandel, piétine les plates-bandes dance de Lady Gaga ou Katy Perry. Le nouvel extrait de Daddy Yankee, Ven Conmigo, dissimule des traces de merengue sous une rythmique dance appuyée.

«En tant qu'artiste, je cherche à faire évoluer mon style et à faire avancer le reggaeton, abonde Daddy Yankee. Sur mon prochain disque (Prestige, qui sortira cet automne), il y a du hardcore Dem Bow pour les puristes, mais plein d'autres influences aussi, de la dance, du kuduro, de la salsa, cumbia, merengue, tout ça se mélange dans le reggaeton. Beaucoup de gens ont encore l'impression que le reggaeton est stagnant; ils n'ont pas remarqué qu'aujourd'hui, cette scène en est une de fusion de genres, tout en demeurant fidèle à ses origines.»

Star latine

Daddy Yankee aspirait à une carrière dans le baseball majeur avant d'être impliqué dans une fusillade qui lui a endommagé la jambe. Il s'est ensuite converti au hip-hop, puis au genre nouveau qu'était le reggaeton, lançant son premier disque en 1995 à l'âge de 18 ans. C'est cependant grâce au disque Barrio Fino (et à son extrait Gasolina, en 2004) que Daddy Yankee est devenu la star latine qu'on connaît. Plus de 2 millions d'exemplaires de cet album se sont écoulés dans le monde.

Patron du label El Cartel Records, acteur occasionnel à la télé et au cinéma (Talento de Barrio, dans lequel il tient le rôle principal, a battu des records de box-office dans son pays), Daddy Yankee a trouvé une nouvelle impulsion dans sa carrière de musicien. «J'ai suivi des cours de piano, raconte-t-il. Ç'a complètement transformé ma manière de travailler et de composer.» Ça paraît: Prestige sera lancé un an après Mundial. Vétéran, oui, mais qui ne s'est pas reposé sur ses lauriers. «Allez, je ne suis pas le plus grand pianiste du monde, mais je m'améliore et ça me rend encore meilleur, je m'implique davantage sur le plan de la production.»

Et couic! Plus rien sur la ligne. L'électricité a de nouveau manqué chez Daddy Yankee...

Daddy Yankee, en spectacle ce soir au Stade Uniprix du parc Jarry.