Le collectif de DJ, vidéastes, producteurs et remixeurs autochtone A Tribe Called Red - admettez que le nom est bien trouvé! - a une proposition musicale pour le moins unique: les percussions et les chants traditionnels amérindiens, apprêtés à la mode électro du jour en un «Electric Pow Wow» dubstep, soca, dancehall et autres apanages des apôtres de la «world music 2.0». De l'inédit, à découvrir ce soir, au Belmont, dans le cadre des soirées Karnival de DJ Poirier.

Bear Witness et Dan General (DJ Shub) font partie de la nation Cayuga - le «peuple du Calumet», membre des Six Nations, nous apprend l'Encyclopédie canadienne. Le troisième membre du groupe, DJ NDN (décidément, ils ont le flair pour les bons noms d'artistes), est de la nation Ojibwé. Et ces trois musiciens, DJ de carrière, pondent des grooves absolument redoutables.

«Nous sommes tous DJ depuis au moins 10 ans», dit Bear Witness, coincé dans le trafic de leur ville, Ottawa, en compagnie de ses collègues. «Au début, on jouait surtout du hip-hop et du dancehall - Dan a d'ailleurs été champion canadien du [concours de turntablism] DMC deux années de suite. Nos spectacles sont donc très dynamiques. On joue tous les trois ensemble, on scratche, on édite et remixe en direct.»

C'est avec l'arrivée de Shub/General au sein de A Tribe Called Red, il y a deux ans, que le projet a vraiment décollé. «Avant, notre sélection hip-hop était finalement assez prévisible; avec Shub, on a commencé à créer nos propres mash-ups», montages musicaux concoctés à l'aide d'enregistrements de groupes de musique traditionnelle amérindienne et de bombes de planchers de danse testés et approuvés. Ils appellent ça notamment du «Pow Wow Step».

La proposition a vite attiré l'attention sur le collectif et mis en lumière leur travail de valorisation de la culture jeune autochtone, lors de leurs soirées Electric Pow Wow au club Babylon d'Ottawa. Ce qui devait n'être qu'un événement ponctuel est devenu depuis trois ans un lieu de rendez-vous et de découvertes des clubbers amérindiens et blancs.

Diplo a vanté les mérites du collectif. L'équipe du label Masalacism a courtisé les DJ: leur premier single, un remix de la chanson Red Skin Girl du groupe Northern Cree, a été lancé au courant de l'été, mais leur profil SoundCloud (soundcloud.com/a-tribe-called-red) regorge de remixs, mash-ups et autres créations aussi originales qu'efficaces.

«Nous préparons notre premier EP original, pour lequel nous allons faire nos propres enregistrements de drum circles et de chants traditionnels», affirme Bear Witness. «Ces temps-ci, on expérimente beaucoup avec le dubstep et le moombahton», un micro-genre fait de house vocal ralenti au tempo du reggaeton (environ 110 bpm).

L'alliage entre ces types de musique de club et la musique traditionnelle autochtone n'est pas aussi difficile qu'il y paraît, assure Bear Witness. «Les chants et les percussions traditionnels, au fond, c'est de la musique pour danser aussi. De la musique de danse sociale, c'est-à-dire que ça se pratique en groupe, que ça se partage. Cet effet est particulièrement évident lorsqu'on mélange les tam-tams et les chants de la musique de pow-wow à la musique électronique.»

«En fondant les soirées Electric Pow Wow, notre objectif était d'abord de rassembler la communauté amérindienne de la région d'Ottawa, de créer un espace pour fêter, pour échanger, et pour donner la chance à de nouveaux talents de s'exprimer. De la musique de club, faite pour les autochtones. Le succès des soirées nous a dépassés: non seulement les autochtones nous appuient, mais les soirées rassemblent tous les peuples. C'est inspirant. Tu regardes autour de toi pour voir un mélange incroyable de danseurs, de toutes les origines et de tous les milieux.»

Ce soir au Belmont (4489, boulevard Saint-Laurent), avec DJ Poirier et The One Tash.