On croit à tort que les hybridations entre musiques latines et jazz moderne sont exclusivement cubaines. Bien sûr, le jazz latin fut d'abord créé à New York de concert avec les musiciens cubains, comme il le fut également à Cuba. C'était hier. Aujourd'hui? Issus de toute l'Amérique latine, des musiciens de talent apportent leur pierre à l'édifice... et c'est toujours aussi vibrant à Nueva York!

Prenons le cas du Colombien Pablo Mayor, pianiste, compositeur, arrangeur et leader du Folklore Urbano Orchestra, qui s'amène demain au Cabaret du Mile End. Onze musiciens et chanteurs sur scène, rien de moins. Tout amateur de musique colombienne et de jazz latin a intérêt à s'y pointer pour une chaude soirée. Torréfaction garantie!

Joint sur la route alors qu'il se dirigeait vers Ottawa pour y donner un concert, hier, Pablo Mayor s'est présenté en bref: «Ma famille est de Cali, dit-il. J'y ai grandi et j'ai aussi vécu plusieurs années à Bogotá. J'ai ensuite fait mes études à la North Texas University, après quoi je suis rentré à Bogotá afin d'y enseigner la musique et d'y parfaire mes connaissances du patrimoine traditionnel colombien. J'ai entrepris alors de métisser ce riche folklore avec le jazz moderne. Pourquoi être allé vivre à New York pour la suite des choses? J'ai toujours voulu venir y travailler.»

«À New York, mon groupe est constitué de quatre Colombiens, auxquels s'ajoutent des musiciens de toutes origines - Israël, Argentine, États-Unis... La formation est stable, d'ailleurs nous préparons actuellement un quatrième album. Il y a eu de petits changements depuis les débuts, mais Folklore Urbano demeure un groupe très actif.»

On comprendra donc Pablo Mayor, également professeur au Harbor Conservatory for the Performing Arts dans East Harlem, de faire sa vie de musicien à New York; considérable y est le bassin de musiciens compétents et ouverts à une démarche jazzo-colombienne. Jazzo-colombienne? Lorsqu'on n'est pas connaisseur de jazz latin, on pourrait croire que la musique de Pablo Mayor est cubaine. Et on serait dans le champ, indique poliment notre interlocuteur.

«Vous savez, plusieurs régions de Colombie ont formé un formidable patrimoine rythmique, mais vu l'isolement de ces régions, ce patrimoine a mis du temps à être connu. Ça vient! C'est pourquoi j'aime reprendre ces rythmes et chants traditionnels, leur conférer des harmonies associées au jazz moderne.»

Ainsi, cumbia, porro, chalupa et autres rythmes classiques de Colombie se trouvent jazzifiés au sein du Folklore Urbano Orchestra. Ainsi, la musique colombienne et le jazz moderne forment un couple de même cousinage que celui du jazz cubain, mais... ce couple tient à rester distinct.

«Les différences, indique Pablo Mayor, se trouvent dans l'instrumentation (certains tambours ne sont pas les mêmes, comme le tambora, certains types de maracas), dans le phrasé des mélodies. Plusieurs de nos rythmes sont afro-colombiens, d'autres proviennent des Andes. Bien sûr, il y a aussi des similarités avec l'ensemble des mélanges entre jazz et musique latine.»

Pablo Mayor indique en outre qu'il n'est pas le seul à marier jazz et musique colombienne - les pianistes Eddy Martinez et Hector Martignon sont de bons exemples. «Il y a un vrai mouvement de musiciens colombiens qui se consacrent au mélange du jazz et des rythmes colombiens. Les apports de ce mouvement rejaillissent autant en Colombie que sur la scène new-yorkaise.»

Et jailliront ce vendredi aux 25 es Nuits d'Afrique.

Le Folklore Urbano Orchestra de Pablo Mayor se produit vendredi, 20h30, au Cabaret du Mile End.