Le festival Mutek inaugure à 17h aujourd'hui sa série gratuite Expérience, qui se déroule dans le parc de la Paix adjacent à la Société des arts technologiques (SAT). Au programme, l'apéro Foodlab du chef Martin Juneau (Newtown) et les beats gourmands de Math Rosen, DJ Brace et du producteur hip-hop expérimental Akena Lohamba Okoko, alias KenLo, membre des collectifs Movèzerbe et Alaclair Ensemble.

«J'aime les percussions et la basse, et je considère que la basse, c'est de la percussion.» Le beatmaker KenLo résume avec cette phrase toute son approche de l'architecture rythmique hip-hop. L'élusif compositeur et rappeur est une manufacture à rythmes frais, ayant pondu de goûteux mixtapes et la série Craqnuques, cinq albums (déjà) constitués d'instrumentaux cérébraux et exploratoires offerts gratuitement en téléchargement.

«J'offre ma musique parce que pour moi, la musique se partage, c'est un geste d'ouverture, dit-il. Je diffuse constamment ma musique. En un sens, je me considère un peu comme un journaliste...»

Son oeuvre est précieuse. Elle décoince le hip-hop québécois, qu'on dit souvent figé dans ses codes. Sa touche a contribué à la renommée de l'excellent collectif Alaclair Ensemble. On lui prête une filiation avec les plus brillants, J.Dilla, évidemment, mais aussi tous ces audacieux beatmakers californiens, Teebs et Samiyam, entre autres, avec qui il a partagé la scène l'hiver dernier.

Sur scène comme sur disque, un sentiment de continuité, de progression, traverse l'oeuvre de KenLo. «C'est un va-et-vient d'ambiances et de séquences, je crée des liens entre des endroits sonores. J'essaie de me donner la liberté de repartir à zéro, toujours. La musique est toujours inachevée; elle passe, et c'est cool quand elle arrive.»

Originaire de Québec, né d'un père congolais - «petit, on écoutait la rumba, les rythmes cubains; mon père a vu James Brown au Colisée en 1973» -, KenLo a plongé dans le rap avec ses amis, confectionnant ses rythmiques pendant ses temps libres. C'est toujours le cas aujourd'hui: «Ma priorité, c'est ma famille, mes études de charpentier, mon travail. La musique, à tous les jours, à petite dose.»

Peu importe la dose, pourvu qu'on ait l'ivresse.

Murcof + AntiVJ

Fernando Corona, alias Murcof, est un compositeur pas comme les autres, originaire de Tijuana, au Mexique, mais établi à Barcelone depuis six ans pour se rapprocher de ses clients, institutions musicales de prestige qui lui commandent oeuvre après oeuvre.

«Je suis entre les deux, reconnaît-il. Toujours musicien électronique, mais aussi un pied dans l'univers de la composition classique.» Ses albums pour la maison de disques Leaf ont assis sa réputation de raffiné alchimiste des genres (jazz avec Éric Truffaz, musique contemporaine et classique, électronique IDM et ambiant), des textures et des types d'instrumentation, boîte à rythmes, section de cordes, guitares, synthétiseurs, etc.

Pour cette première montréalaise d'un nouveau projet «toujours en développement», ce sera l'alchimie des sons et des images. Corona fait la paire avec Simon Geilfus (AntiVJ), vidéaste «qui conçoit ses propres logiciels de visualisation». «Ses manipulations vidéo seront générées par les sons que je produirai. Notre performance, déjà donnée il y a quelques mois en France, repose sur l'improvisation. Il n'y a pas de trame narrative, à proprement parler, et beaucoup de spontanéité.»

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À voir et entendre demain soir, à la salle Pierre-Mercure, 20h, dans ce programme particulièrement relevé mettant également en vedette l'excellent Sutekh (Seth Horovitz, patron de l'étiquette LINE) et le Canadien Comaduster.