Elle jure comme un charretier, a des kilos en trop et se tient loin des artifices à la Lady Gaga. La normalité d'Adele est devenue une rareté dans le monde de la pop. Sa voix, merveilleusement éraillée, n'en est pas moins unique et ferait pleurer la pire brute. Si l'année 2010 était celle de Florence and The Machine, 2011 sera celle de la petite fille de Tottenham.

Le quartier londonien de Tottenham fait rarement les nouvelles, si ce n'est pour son équipe de soccer, les Hotspurs, et ses gangs de rue. Creuset multiculturel, avec ses salons de tresses africaines et ses épiceries polonaises, Tottenham a été le berceau d'Adele Laurie Blue Adkins.

Petite, elle se hissait sur la table de cuisine et chantait pour sa mère et ses amis, à la fin de repas arrosés. Aujourd'hui, sa puissante voix fait chavirer ses millions de fans, de Hong-Kong à Tottenham.

«Elle a grandi ici, vraiment?», s'étonne Deena Hassan, 21 ans et autant de piercings, rencontrée devant un pub défraichi. Elle rajoute fièrement: «Elle est unique!»

Sans son talent et les encouragements de sa mère, chef de famille monoparentale, Adele aurait pu faire grossir la statistique des mères adolescentes de Tottenham, où elle est née en 1988. «J'aurais un enfant aujourd'hui si j'étais toujours là», a-t-elle confié en mars dernier au tabloïd News Of The World.

«Ma mère est tombée enceinte de moi à l'âge où elle devait entrer à l'université. Elle a tant sacrifié pour moi», a déclaré Adele en avril.

La performance d'une vie

Recrutée par la prestigieuse école d'art Brit School, où Amy Winehouse et Kate Nash ont fait leurs classes, elle a été repérée à 15 ans par XL Recordings, étiquette de Radiohead et M.I.A.

Depuis, la jeune prodige cultive une réputation de grande gueule. Dans ses entrevues, elle appuie ses propos de fuck dans un accent cockney qui fait craquer les Américains.

En février dernier, peu après la sortie de son second opus 21, elle a époustouflé l'audience des Brit Awards en interprétant son deuxième simple Someone Like You, retenant ses larmes jusqu'à la dernière note.

Interrogée sur cette performance d'une vie, elle répond du tac au tac au quotidien The Observer: «Je me suis presque chiée dessus.»

Dès lors, son album caracole au sommet du palmarès britannique et y restera pendant 11 semaines, brisant un record établi par Madonna deux décennies auparavant.

Même refrain aux États-Unis et au Canada, où elle remporte un succès phénoménal. Pour son concert à L'Olympia, lundi à Montréal, complet depuis belle lurette, les billets se revendent à 150$ l'unité.

Les critiques de musique, blasés par les tenues tape-à-l'oeil de Lady Gaga, se réjouissent du triomphe de cette femme «ordinaire», dont la fortune, mine de rien, est maintenant estimée à 9,5 millions de dollars.

Vin et cigarettes

Son succès fait de l'ombre à Amy Winehouse, à qui elle avait été comparée à ses débuts, en 2007. Même grosse voix, mêmes franc-parler et attitude à revendre. Mais là s'arrêtent les comparaisons.

Grasse et fière de l'être («Cela ne m'a jamais empêchée d'avoir un copain», aime-t-elle déclarer), Adele n'a pas flirté avec les drogues dures, contrairement à la diva Winehouse.

«Un membre de ma famille est mort d'une surdose d'héroïne», a-t-elle expliqué en 2009.

Elle n'est pas pour autant sans vices. En 2008, elle a annulé une tournée américaine pour être auprès d'un copain, avec qui elle abusait du vin rouge. Elle assure avoir corrigé son penchant pour la bouteille.

Fumeuse invétérée, la femme de 23 ans se plaint d'un mal de gorge constant. Elle a souffert d'une laryngite à la sortie de son album.

Elle a dû annuler cette semaine une reprise de Natural Woman, le classique de Carole King, à la télévision américaine.

«Ma voix est trop fatiguée», a-t-elle expliqué.

La candide Adele ne cache pas ses imperfections. Cela la rend encore plus attachante, selon la rédactrice en chef du magazine NME, Krissi Murison. «C'est cette humanité, cette normalité, qui touche les gens», a-t-elle expliqué en avril.

Adele, en spectacle le 16 mai, à 20h, à L'Olympia.