Iranienne, la chanteuse et multi-instrumentiste a quitté son pays d'origine à l'âge de quatre ans. Elle a ensuite grandi en Inde, vécu aux États-Unis depuis l'adolescence avant de choisir Montréal. Depuis neuf mois, elle vit dans notre île avec son jeune fils et son musicien de mari, le multi-instrumentiste iranien Loga Ramin Torkian. Avec ce dernier, elle a aussi formé le groupe Niyaz et enregistré deux albums sous cette appellation - étiquette Six Degrees.

Ce mardi au Gesù, cependant, Azam Ali présente le contenu d'un album solo encore chaud: De la nuit au lever du jour - étiquette Cross Current Music.

«Ma mère était un esprit libre alors que mon père était conservateur. Mes parents se sont séparés avant ma naissance. Ma mère dut alors travailler très fort pour subvenir à nos besoins. Vu son mode de vie atypique en Iran à la veille de la révolution islamique, elle avait reçu des menaces de ma famille paternelle qui voulait me reprendre.

«De peur de me perdre aux mains de son ex-mari, elle m'avait envoyée en Inde où j'ai grandi jusqu'à l'adolescence. En 1985, ma mère et moi avons émigré à Los Angeles. De passage en Iran en 2002, ma mère y est décédée des suites d'un accident cardio-vasculaire. Aujourd'hui, il vaut mieux pour moi de ne pas retourner en Iran car le régime n'accepte pas qu'on y soit chanteuse.»

Azam Ali ne se montre pas particulièrement optimiste pour son pays.

«La moitié de la population iranienne a moins de 30 ans, fait-elle néanmoins observer. Ces jeunes veulent participer à la culture mondiale alors que leur pays les contraint à vivre sur une autre planète, dans une autre époque, dans une gigantesque prison. Après tant d'années de guerre et d'oppression, cet environnement est devenu toxique.

«Avec l'internet, pourtant, on ne peut plus cacher la réalité extérieure comme c'était le cas auparavant.

Lorsque nous avons eu notre enfant, mon mari et moi avons réfléchi à la perspective de rentrer et élever notre fils en Iran si une révolution démocratique s'y produisait. Mais... même si ça se passait ainsi, il faudrait attendre des décennies avant que cette société ne guérisse ses plaies.»

Et les États-Unis?

«J'ai passé 25 ans de ma vie à Los Angeles. Dès que j'y suis arrivée, j'ai commencé à réfléchir comment je pourrais me barrer! Vous savez, les Iraniens et les Moyen-Orientaux n'y sont pas toujours acceptés, surtout depuis le 11 septembre 2001. Étrangement, les Iraniens qui y vivent y sont d'allégeance républicaine. Ce n'est pas moi! À Montréal, j'ai enfin le sentiment d'apprécier la vie quotidienne. Et je crois que c'est la ville idéale pour élever mon fils de trois ans et demi.  Lorsque je serai potable en français, je serai vraiment Québécoise.»

Azam Ali a enfanté il y a trois ans et demi, elle a passé de durs moments.

«Nous étions isolés à L.A., sans le soutien d'une famille élargie. Pour me rendre la vie plus facile, j'ai eu l'idée de faire une collecte de berceuses orientales. Cette idée m'a inspiré le projet: actualiser des chants issus des minorités moyen-orientales, en créer des neufs et porter le message suivant: les conflits et guerres qui sévissent là-bas ne sont pas tous des conséquences de l'Occident. Ces conflits résultent aussi de tensions internes, tensions inter-religieuses, tensions inter-ethniques et idéologies traditionalistes. Ces mentalités obsolètes n'ont plus leur place dans le monde d'aujourd'hui, les jeunes générations doivent s'en débarrasser.»

Ainsi, Azam Ali a composé des airs (Mehman, Nour et Tenderness), sélectionné  la chanson Faith du collègue palestinien Naser Musa et Nami Nami, du Libanais Marcel Khalifé. Le reste du répertoire de cet album est  traditionnel: iranien, kurde, turc, azéri, palestinien, libanais. Loga Ramin Torkian en a créé les arrangements.

Azam Ali a beau être passée à l'Ouest depuis des lustres, elle tient à maintenir l'identité orientale de sa démarche.

«Il est possible d'être à la fois oriental et moderne. Au Moyen-Orient on a trop tendance à confondre occidentalisation et modernisation, deux concepts pourtant distincts. Pour devenir moderne, rien ne t'oblige à t'occidentaliser.»

Le concert d'Azam Ali (chant et percussion) est présenté ce mardi, 19h, au Gesù. Seront sur scène Loga R. Torkian (lafta, kamaan, saz), Kiya Tabassian (sêtar), Sheila Hannigan (violoncelle), Ziya Tabassian (percussion).