«Le dernier mois avant le spectacle va être le pire de votre vie, lance d'un ton ferme Serge Denoncourt à la vingtaine d'adolescents assis devant lui. La dernière semaine, elle, sera la plus fantastique de votre vie.» Une petite frousse et une tape dans le dos. L'approche en deux temps illustre le jeu d'équilibriste auquel s'adonne le metteur en scène depuis qu'il a accepté de donner son temps au projet GRUBB et, surtout, aux jeunes Roms qui soufflent et suent sous sa direction.

«Je ne dois pas perdre leur attention, ni perdre de vue leur plaisir. Il faut que je les chicane, mais que ce soit le fun en même temps», expose-t-il, en marge d'une répétition particulièrement turbulente, tenue au terme d'une semaine elle-même mouvementée. En l'espace de quelques jours, une partie de la troupe s'est en effet envolée pour Paris pour participer à Vivement dimanche, l'émission de Michel Drucker, puis est rentrée à Belgrade pour chanter à l'ambassade de Grande-Bretagne à l'occasion du mariage princier.

Serge Denoncourt ne se cherchait pas une cause quand il a été solicité par RPOINT, il y a plus de deux ans. Il n'avait pas non plus le temps de s'engager dans un projet humanitaire de longue haleine. Néanmoins, le metteur en scène a accepté d'aller à Belgrade pour donner un atelier. Une fois devant ces ados pratiquement mis au ban par la société serbe, il n'a pu leur dire non. «Je leur ai promis que je reviendrais, raconte-t-il, mais ils ne me croyaient pas.»

Il est retourné à Belgrade. Plusieurs fois par année. Il a gagné leur confiance au point devenir une figure paternelle pour nombre de ces adolescents. À leurs yeux, il est celui qui tient ses promesses. «Quand Serge dit qu'il va faire quelque chose, il le fait», affirme d'ailleurs Goran «Kris» Demirovic. «On n'a pas le sentiment que Serge est le patron, mais qu'il est l'un des nôtres, précise pour sa part Shenol «Tcheki» Ragipi. Il connaît nos histoires.»

La vie de plusieurs des ados qui participent à GRUBB a été marquée par le racisme, la pauvreté et les difficultés à l'école. Nombre d'entre eux ont vécu ailleurs en Europe. Partis en quête d'une vie meilleure avec leur famille, ils ont parfois été forcés de revenir en Serbie en raison des aléas de la vie ou parce qu'ils ont été expulsés. Comme ces Roms que la France a mis à la porte l'automne dernier.

L'affection que ces jeunes portent à Serge Denoncourt n'est pas à sens unique. Lui aussi s'est attaché à eux. Il est exigeant, les critique sans mettre de gants, mais en parle avec respect et tendresse après les répétitions. «GRUBB est la chose la plus difficile que j'ai faite de ma vie, reconnaît le metteur en scène. Mais c'est aussi la plus le fun.»

À huit semaines de la première à Montréal, les chanteurs ne projettent pas assez, les danseurs manquent de précision et aucun d'entre eux n'est familier avec les contraintes d'un spectacle en salle. Mais Serge Denoncourt demeure confiant. «Tous les jours, je me dis qu'on n'y arrivera pas, admet-il, et tous les jours,je me dis qu'on va y arriver. C'est dans un cas comme ça que le mot répétition prend tout son sens.»

Les Roms en chiffres

Il y a 12 millions de Roms en Europe, ce qui en fait la plus grande minorité du continent.

Environ 500 000 Roms vivent en Serbie.

Plus d'un tiers des Roms de Belgrade vivent dans des ghettos enclavés - certains utilisent le terme «colonie informelle».

En Serbie, environ les deux tiers de ghettos Roms (mahala, en langue locale) ne comptent ni infrastructure d'eau potable ou d'égout et le raccordement au réseau électrique y est souvent illégal et artisanal.

La moitié des enfants roms d'Europe ne terminent pas l'école élémentaire. Seulement 2,4% des filles roms possèdent un diplôme d'études secondaires.

En Serbie, 66% des enfants roms s'inscrivent à l'école primaire, mais ce pourcentage tombe à 10% parmi ceux qui vivent dans les colonies informelles.

Des 600 enfants roms qui ont profité de l'aide aux devoirs fournie par l'organisation RPOINT à Nis depuis deux ans, 90% se sont inscrits à l'école secondaire.

Sources: ONU, UNICEF, UNESCO, RPOINT et Amnistie internationale.