Presque quatre ans se sont écoulés entre Karaoké King et l'album précédent de Gatineau. Séba, alias Mc Brutalll, et Keük, qu'il faut maintenant appeler Perceval, ont eu besoin de prendre du recul pour «régler des affaires». Mais ils reviennent en force avec un album qui trompe le punk-rap avec l'électro-pop. Séba et Perceval ne sont plus fâchés; ils veulent maintenant danser.

Sur la pochette du nouvel album de Gatineau, Karaoké King, un homme porte un masque pour emprunter les traits de Claude François. Tout le concept du disque - plus dansant que son précédesseur - repose sur les représentations, les identités, les apparences et les contradictions.

Dans ses textes, Séba parle «d'une révolutionnaire révolue», «que le monde est d'même», «de l'importance d'être constant», des filles qu'il préfère au «naturelll», de «dire oui au lieu de dire non» et des gens qui «veulent être vu avec». Dans la pièce titre, Karaoké King, il raconte comment «il est plus vrai pis plus que parfait» que Claude François, chanteur dont il a décidé de s'inspirer.

Par rapport à ses compositions précédentes, il y a un «lâcher-prise». Moins de rage. Plus de réflexions et de constats. «On a réglé tous nos trucs, dit Séba, qui est maintenant sobre. Avant, j'étais fâché contre bien des affaires. Là, je suis moins agressif. J'ai travaillé sur ma personnalité pour être plus calme.»

Les textes de Karaoké King ne puisent plus directement leur source dans le journal intime de Séba. Ce dernier a écrit des chansons plutôt que des textes. «Avant, je m'ouvrais beaucoup sur ma vie. Là, j'ai écrit des trucs que je n'ai pas nécessairement vécus. Je voulais rendre ça plus universel, moins parler de moi.»

Sa chanson Controlll résume bien par quels états d'âme Séba est passé. J'ai perdu souvent le contrôle pour pouvoir le prendre (...)/Je joue au dur, mais j'aspire tant être tendre.

«Je me suis beaucoup exposé, dit le principal intéressé. Il est temps de mettre un masque.»

Au service des chansons

Karaoké King s'ouvre sur des airs électro-rap-funk. Certains titres ont des arrangements presque kitsch, à la sauce Chromeo. Une chanson comme De l'importance d'être constant accroche l'oreille avec un refrain très pop, alors que la fin de l'album est très électro. Musicalement, «on voulait faire un album plus dansant et moins punk», explique Perceval. Pour ce faire, Gatineau a décidé de «simplifier les choses» et «d'éclaircir la forme», avec plus de tournures pop et des textes qui servent davantage la chanson et non l'inverse. «C'est moins éparpillé que le premier disque, dit Perceval. Il y avait beaucoup de changements dans une même chanson. Là, si la chanson est house au début, elle l'est jusqu'à la fin.»

Séba l'auteur et Perceval le compositeur ont également davantage travaillé ensemble au lieu de vouloir à tout prix faire coller un texte préécrit à une musique. «Notre premier disque (Félix du meilleur album hip-hop de l'année), c'était une collision, résume Séba. Celui-ci est plus lousse et naturel.»

Perceval s'est permis des bridges électro-pop, alors que Séba a économisé ses mots. «Avant, je composais mes textes en trois actes. Le contenu était tellement fermé que ce n'était pas malléable, dit Séba. Là, j'ai plus travaillé en fonction d'une toune.»

«Less is more... On a la même énergie, mais c'est moins garroché, poursuit Perceval. On dit souvent que les formules magiques ne sont pas si compliquées que ça.»

Carl Bastien a collaboré à la réalisation de Karaoké King, en plus d'en faire le mixage. Le Carl Bastien qui travaille avec Dumas et Daniel Bélanger? N'est-ce pas étonnant? «On se rejoint dans l'électro, dans notre amour des claviers», répond Perceval, de son vrai nom Jean-François Cyr.

Le but ultime de Karaoké King? Que les spectacles de Gatineau culminent dans un party dansant. Sur scène, Gatineau sera en formule quatuor, avec Burne Macpherseünde à la batterie - comme à l'habitude - et Martin Lizotte aux claviers. Rappelons que Dominique Hamel a quitté Gatineau pour se consacrer à Orange Orange.

Gatineau n'est pas monté sur scène depuis deux ans. Séba et Perceval souhaitent briser l'image menaçante qu'ils avaient jadis en spectacle, notamment quand l'alter ego de Séba, MC Brutalll, prenait le dessus et se transmutait en une bête de scène d'une provocation brutale, vêtue d'une cagoule et d'un caleçon. Il y aura par ailleurs moins de changements de costumes dans le nouveau spectacle, pour garder un lien fort avec le public tout au long de leur prestation.

La pochette et le titre de l'album n'y sont pas pour rien: «On veut faire chanter le monde.»

Moins de folie, donc, mais plus de plaisir.

Gatineau lancera son album mardi soir, à la Taverne Normand, et fera un spectacle en hommage à Claude François au Petit Campus, jeudi soir. Info: gatineau.mu.