Il y a le bling-bling, les pitounes et les voitures luxueuses dans certains clips, mais le rap est avant tout un art lyrique. Le professeur de littérature Adam Bradley donne même un cours de poésie hip-hop à l'Université du Colorado. En novembre dernier, la brique sur laquelle il travaillait depuis 10 ans a finalement été publiée aux éditions de l'Université Yale. Son titre? The Anthology of Rap, rien de moins. Il s'agit de la première oeuvre universitaire du genre. «Notre contribution est unique, car nous mettons l'accent sur les paroles en les étudiant comme de la poésie», indique Adam Bradley, qui coédite le livre avec Andrew Dubois, qui lui est professeur à l'Université de Toronto à Scarborough.

Les paroles de plus de 300 chansons se retrouvent dans l'imposant ouvrage de 800 pages. On suit l'évolution du rap de DJ Kool Herc et Afrika Bambaataa à Run-DMC, Public Enemy, Ice-T, De La Soul, LL Cool J, Busta Rhymes, DMX, The Fugees, Jay-Z, Snoop Dogg, The Wu-Tang Clan, Eminem, Lil Wayne, M.I.A., Kanye West, etc.

«Le hip-hop est une culture révolutionnaire qui a émergé loin des lieux d'enseignement, a indiqué Adam Bradley, lors d'un entretien téléphonique avec La Presse, la semaine dernière. Au début, les gens pensaient que cela allait passer, mais il y a une nouvelle génération d'universitaires qui ont grandi avec cette musique.»

«Le rap est à la base une tradition orale», explique M. Bradley. Depuis l'esclavage, les Afro-Américains avaient comme tradition de faire des dozens, des sortes de luttes verbales que les DJ se sont réappropriées dans les années 70 en pratiquant ce qu'on appelle le toasting.

La culture hip-hop («le rap est quelque chose qu'on fait, le hip-hop est quelque chose que l'on vit», dixit KRS-One) est née dans le quartier défavorisé du Bronx. Le DJ Kool Herc, d'origine jamaïcaine, est l'instigateur de ces premières batailles de DJ appelées Block Party où est née la technique du breakbeat. Graduellement, des DJ sont devenus des MC, puis le rap a fini par se répandre au-delà de New York. «Les gens distribuaient et vendaient des cassettes dans les rues. Il n'y avait pas de système de distribution», raconte Adam Bradley.

Dans les années 80, le rap est devenu une industrie, et des artistes comme Salt-N-Pepa et les Beastie Boys ont eu de la visibilité sur MTV tout en gravissant les échelons des palmarès.

Bradley et Dubois, qui ont concentré leur travail sur le rap américain, ont établi quatre grandes périodes: la période Old School (1978-1984), l'Âge d'or (1985-1992), le passage au mainstream (1993-1999) et le nouveau millénaire (de 2000 à aujourd'hui).

La musique rap a mis du temps à être considérée comme un genre musical à part entière. Ice Ice Baby de Vanilla Ice est le premier extrait rap qui a atteint la première place du palmarès Billboard, en 1989, et ce n'est qu'en 1996 que le gala des Grammy a eu une catégorie pour le meilleur album rap.

Le souhait d'Adam Bradley avec The Anthology of Rap? «Que les lecteurs découvrent la complexité de la poésie des chansons rap.»

Beaucoup de gens mettent toutes les chansons rap dans le même panier. Or, comme dans tout genre musical, le meilleur côtoie le pire, et il y a des chansons dont l'intention est plus commerciale qu'artistique, fait valoir l'auteur.

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C'est Henry Louis Gates Jr., professeur afro-américain à l'Université Harvard, qui signe la préface de The Anthology of Rap (lui qui avait fait les manchettes pour avoir été arrêté dans sa propre maison par un policier qui croyait avoir affaire à un cambrioleur). Les intentions des chansons rap sont souvent mal comprises, souligne-t-il. Certains textes ont du contenu misogyne ou homophone, mais c'est souvent dans le but de dénoncer «ce qui existe et qu'il ne faut pas nier». On confronte les gens dans leur ignorance et leurs stéréotypes. «Le rap prend sa force en brisant les tabous, en nous renvoyant des stéréotypes», écrit M. Gates. En 1990, il a dû témoigner en cour quand le groupe 2 Live Crew s'est retrouvé devant les tribunaux pour les paroles jugées «obscènes» de sa chanson Me So Horny. «C'est une parodie et la parodie est une forme d'art», avait fait valoir Henry Louis Gates Jr.

Le rap a donné une voix à des gens créatifs qui n'en avaient pas, avec un texte au «Je», dont l'effet du contenu est propulsé par le rythme de la musique, fait valoir Adam Bradley. «Les gens ont l'impression qu'une chanson rap est facile à faire. Mais rimer sur du contenu significatif demande discipline et concentration.»

Le professeur de littérature cite l'interprétation très inspirée et à fleur de peau d'Eminem, ou encore le personnage de Kanye West. «C'est le rappeur qui a la personnalité la plus forte. Il est le plus arrogant, mais dans ses textes, il est celui qui souffre le plus d'insécurité.»

Que dire de plus sinon que tout amateur (ou détracteur) de hip-hop doit lire The Anthology of Rap, publié aux éditions de l'Université Yale (en vente sur Amazon).

Suggestion de la semaine



Voici un outil interactif musical qui fera rire vos proches en un clic de souris. Vous allez sur le site https://gobarbra.com/, vous insérez le nom de votre choix, et ce dernier remplace le «Barbra Streisand» du tube dansant de Duck Sauce. Hilarant.

Sorties de la semaine



> 21, Adele

> Magic, Sean Rowe

> Smart Flesh, The Low Anthem

> Too Beautiful to Work, The Luyas

En rafale



> The Black Keys s'offre le Centre Bell le 11 juillet, avec Cage the Elephant en première partie (billets en vente vendredi). La veille, le duo se produira au Festival d'été de Québec.

> Jimmy Hunt se produira à la prochaine soirée des Vendredis Nocturnes du Musée d'art contemporain, le 4 mars.

> Selon TMZ, Britney Spears aurait empoché 500 000 $ en placement de produits dans son clip Hold It Against Me, que ce soit pour Sony ou Make Up Forever, ce qui suscite plusieurs critiques à son égard.

> Ray Lamontagne et The Pariah Dogs seront en spectacle au Théâtre Saint-Denis, le 28 mai, avec Brandie Carlile et The Secret Sisters comme artistes invités (billets en vente samedi).