Brad Paisley est un beau gars, à qui le chapeau de cow-boy sied bien. Mais c'est aussi et surtout un musicien accompli, un chanteur inspiré, un auteur-compositeur très solide et l'un des chanteurs country les plus populaires des États-Unis. Pour la première fois de sa carrière, le chanteur de 38 ans est en spectacle au Québec (ce soir au Centre Bell), avec ses chansons country super bien ficelées et son humour. Entrevue exclusive avec un chanteur américain qui cumule les premiers rangs des palmarès (17), les ventes d'albums (11 millions), les trophées (dont trois Grammys) ... et les bons mots.

«Je ne suis pas habitué à être exotique», lance en riant Brad Paisley au bout du fil. Comprendre par là qu'aux États-Unis, le natif de la Virginie-Occidentale est considéré comme le digne successeur d'une longue lignée de chanteurs country et qu'il n'y a pas plus American que lui. Mais au Canada, et particulièrement au Québec, il est plutôt méconnu, et il en a parfaitement conscience.

«C'est justement pour cela que j'ai accepté de venir, explique-t-il, parce que mes agents m'ont dit que le country - et même l'anglais, si j'ai bien compris! - ne faisait pas autant partie de votre culture que de la nôtre.»

Prenez cinq minutes et allez voir sur l'internet quelques-uns de la quarantaine des clips de Paisley, très drôles ou très touchants, pour mieux comprendre la modernité de son propos. Qu'il s'agisse de parler de vie virtuelle sur le Net (Online), de téléréalité (Celebrity), de «vrai gars» (I'm Still a Guy), de famille reconstituée heureuse (He Didn't Have to Be), Brad ne recule devant aucun sujet contemporain - mais tout ça sur de la musique country plutôt classique, métissée de ZZ Top et de southern rock à la Lynyrd Skynyrd.

Comme si ce contraste entre thèmes très XXIe siècle et country ne suffisait pas, le gars ne craint pas pour autant d'aborder des sujets plus «traditionnels», par exemple chanter les joies de boire un trop bon coup (Alcohol) ou celles de la pêche à la ligne (I'm Gonna Miss Her (The Fishing Song)) - où un gars doit choisir entre sa femme et la pêche; devinez ce qu'il choisit... Dans le clip pour Mud on the Tires, Paisley fait une parodie du festival Woodstock (tant celui de 1960 que de 1994!), alors que dans Little Moments (LA toune pour séduire une fille) fait un clin d'oeil au film When Harry Met Sally (dans les clips, c'est la femme de Paisley et mère de leurs deux enfants, la comédienne Kimberley Williams, qui joue souvent le rôle de l'«épouse»!)

Brad Paisley ne craint pas non plus de parler de sujets plus délicats comme l'alcoolisme (pleurez un bon coup en écoutant Whiskey Lullaby en duo avec Alison Krauss) ou le racisme, par exemple dans Welcome to the Future. Mentionnons en passant que Paisley s'associe ce soir à la Old Mission Brewery afin d'amasser des fonds pour l'organisme de charité: qu'on assiste ou pas au spectacle, on pourra déposer des denrées périssables et non périssables dans une tente (entre le Centre Bell et le Saint-Hubert); les donateurs pourront participer à un concours pour gagner une paire d'excellents billets et rencontrer le chanteur avant le spectacle.

Son «puzzle créatif»

Mais revenons au répertoire de Paisley, à cet étonnant mélange de thèmes contemporains et de musique vintage, qui plonge dans les racines du genre: «À mon avis, la musique country est toujours aussi pertinente, explique-t-il. On vit, on respire, on aime comme on le faisait avant, c'est juste la technologie qui est différente. Aujourd'hui, on ne peut plus écrire «Je t'ai téléphoné et personne n'a répondu»: si tu veux rejoindre quelqu'un, tu le textes! Et si tu veux savoir si quelqu'un est célibataire ou pas, tu regardes son statut sur sa page Facebook! J'essaie donc d'écrire sur ce qui m'entoure aujourd'hui, sur ce que je connais, comme Merle Haggard écrivait sur la prison parce qu'il en avait fait ou Johnny Cash sur la drogue parce qu'il y touchait.»

Bref, comme il le chante dans This Is Music Country, le premier extrait de son nouvel album (qui sortira en avril), en country, tu peux parler de cancer, de la guerre, de foi ou de stress au travail: «Le country, à mon avis, existe pour faire le portrait de nos vies, reprend-il. On est en train de finir le mixage de mon prochain album (son huitième), et en le baptisant This Is Country Music, on se donnait une mission large, celle justement de faire un album à la fois traditionnel et contemporain, nos vies sont faites d'hier et d'aujourd'hui.»

Sur ce nouvel album, tout comme sur la compilation double CD qui vient de sortir (Hits Alive), il s'entoure toujours des mêmes musiciens et collaborateurs, ceux de ses débuts en 1999 («J'aime la loyauté») et y a intégré des morceaux instrumentaux.

Car Paisley est un très bon guitariste. Il a d'ailleurs lancé en 2008 l'album Play, quasi tout instrumental. Le guitariste y joue aussi bien avec B.B. King que Vince Gill, Buck Owens qu'Albert Lee ou le musicien australien Keith Urban (leur duo, la seule «chanson» de l'album, Start A Band, a d'ailleurs été en tête des palmarès country en 2009): «Je pense que je ferai un autre album instrumental un moment donné, dit Paisley. C'est le genre de projet qui nourrit un artiste... même si tu le fais en baissant tes attentes, dit-il en riant. Quand j'ai annoncé à ma compagnie de disques que je voulais faire un album instrumental, ils ont tout de suite révisé leurs chiffres de ventes à la baisse, en se disant que, non, ils n'en vendront pas deux millions de celui-là! Mais ils m'ont quand même soutenu, parce que je devais le faire et parce qu'ils savaient que cela aiderait mon «puzzle créatif» à être plus complet.»

C'est son grand-père maternel qui lui a appris la guitare à l'âge de 8 ans. À 12 ans, il écrivait sa première chanson. À 13, il fondait son premier groupe... avec son prof de guitare! C'est à l'université (où il a obtenu son diplôme en music business) qu'il a rencontré certains des collaborateurs avec qui il travaille toujours. À l'époque, il fait régulièrement les premières parties des artistes invités à la célèbre émission radio country Jamboree USA (en ondes de 1933 à 2007). En 1999, il lance le premier de ses sept disques, qui devient platine. En 2000, il participe à une émission spéciale pour le réseau TLC, Route 66: Main Street America, qui le fait connaître d'un grand nombre d'amateurs de musique, tous genres confondus. En 2001, à l'âge de 28 ans, il devient le plus jeune «membre d'honneur» de la mythique émission radio Grand Ole Opry. C'est dans le cadre de cette émission qu'il rencontre Little Jimmy Dickens, icône de la musique country américaine, né lui aussi en Virginie-Occidentale. Depuis, l'hilarant Little Jimmy, 90 ans, figure dans bon nombre des vidéos de son ami Brad et chante des chansons anti-rectitude politique au sein du marrant et iconoclaste trio Kung Pao Buckaroos (Paisley intègre leurs chansons dans certains de ses disques).

«Je crois que le rire est une émotion aussi importante... non, plus importante que la peine, explique le chanteur. C'est encore la meilleure façon de briser la glace entre les êtres humains, de trouver ce que nous avons en commun.» Briser la glace, c'est justement ce qu'il va faire ce soir au Centre Bell et demain, dans la région d'Ottawa. On vous a dit qu'il faisait froid chez nous, Brad, genre - 20 parfois? «C'est pour cela que j'ai rebaptisé ma tournée, répond-il, stoïque. Elle s'appelait «H20 World Tour» (Paisley soutient la campagne Water=Hope, pour l'accessibilité à de l'eau potable partout dans le monde), elle s'appelle désormais «H20 Frozen Over Tour» !»

Brad Paisley ce soir au Centre Bell à 19h30, et demain à Ottawa. Première partie: Darius Rucker et Jerrod Niemann.