Le public montréalais a réservé vendredi soir dernier un accueil triomphal - rien de moins! - pour le retour sur scène du duo Chromeo, trois mois et demi après leur concert au Apple Store du centre-ville duquel P-Thugg et Dave-1 ont tiré un album live. C'est cependant le matériel de Business Casual, leur troisième album solo, qui était au coeur de cette nouvelle tournée, entamée la veille à Québec.

Pas certain que l'atmosphère eut été aussi électrique si le concert avait eu lieu un lundi soir. Par ce vendredi frisquet, les deux milles (et plus, c'était complet) fans du groupe cherchaient refuge et chaleur au Métropolis, habillés et maquillées chic pour célébrer le début du week-end.

Chromeo entendait la soif de fête de ses fans. Il s'est employé à transformer le Métropolis en boîte de nuit (avec un mur de projecteurs derrière eux pour seul décor) pendant un peu moins de quatre-vingt-dix solides minutes d'irrésistible funk électronique qui, c'est leur dada, rend hommage aux monstres chromés des années '80, de Hall & Oates à Zapp and Roger Troutman, en passant par Human League et George Clinton.

Le spectacle a filé à vive allure, bien calés que nous étions dans notre rugissante Little Red Corvette: un tube après l'autre, pas de traînerie, Dave-1 et P-Thugg nous emmènent dans un trip rétro assumé, mais avec un dynamisme bien moderne, camouflant leurs solos de guitare frelatés et les refrains au talk-box sous un roulement de rythmes house et techno qui font mouche sur le plancher de danse.

Passé 22 h 30, le duo s'est installé sur scène sous les cris soutenus du parterre bien tassé. Dave-1 sur la gauche, guitare au cou; P-Thugg à droite, entouré d'une dizaine de synthés. Lorsqu'ils nous font face, les deux se tiennent derrière des claviers supportés par les mêmes paires de jambes dénudées qui ornent la pochette de leur deuxième album, Fancy Footwork, le disque qui a permis au groupe d'étendre sa notoriété internationale.

Après Don't Turn the Lights On et I'm Not Contagious, deux titres de Business Casual, le parterre était déjà mûr, prêt à éclater. La transposition des compositions sur scène est habile: la rythmique pré-programmée est accompagnée par P-Thugg, qui a l'air d'une pieuvre mettant ses tentacules sur les touches plastifiées de ses synthétiseurs. Dave-1 pose en popstar, chanteur principal (son comparse s'occupe de la voix robotique), sa guitare Gibson au cou. Pas de fioritures, pas d'égarements, ces gars-là sont devenus de vraies bêtes à manufacturer les bombes musicales.

La température a grimpé d'un cran lorsque, après Outta Sight, ils ont balancé l'un de leurs plus gros succès, la bien nommée Tenderoni et sa rythmique disco-house bien grasse, ces deux dernières tirées de Fancy Footwork. Plus tard, la foule avait au bout des lèvres les paroles de Night by Night, l'excellent premier extrait du dernier disque; Momma's Boy, 100% et Fancy Footwork ont clôt le spectacle, avec leur ballade en français J'ai claqué la porte, puis Needy Girl et Grow Up au rappel. La foule en aurait repris.

Pendant ce temps à -15 °C

Nous avons manqué les premières parties de Chromeo, Young Empires et MNDR, pour faire un saut sur les quais du Vieux-Port et attraper le Torontois Egyptrixx, à l'affiche de ce deuxième vendredi d'Igloofest. Un mot: massif. La meilleure performance du festival hivernal que nous avons entendue à ce jour. Compositeur et producteur brillant (son premier album Bible Eyes paraît le 8 mars prochain), Egyptrixx n'a pas failli à la tâche de nous réchauffer dans ces conditions climatiques nettement plus fraîches que lors des précédentes soirées.

Le bonhomme a pris les étranges et enivrantes chansons de son album, les a plombés de rythmes plus soutenus, plus techno, a reconstruit l'ensemble en une succession de montées de tension et de palpitantes relâches. Ça a eu un effet boeuf sur la foule de danseurs, qui se sont laissés emporter par la déferlante de house progressif fertilisée aux basses fréquences et aux images névrosées qui nous viennent parfois en tête en plongeant dans les ambiances ambiguës d'Egyptrixx.

La veille, Terror Danjah a fait tout un vacarme avec sa sélection fiévreuse de grime, de UK funky, de dubstep et de bon vieux jungle. Ouvrant le bal avec la un des classiques de 2010 en Grande-Bretagne, On a Mission de Katy B, Danjah a consacré la première heure de sa performance a jouer les plus grosses productions dubstep et garage de la dernière année, avant de jongler avec des inédites et de vieux souvenirs de dancefloor.

Si bien que l'Américain Eskmo a eu l'ingrate tâche de succéder à la dynamo britannique, en fin de soirée. Peine perdue: le tempo du producteur californien est nettement plus modéré, et même adapté pour un plancher de danse, sa musique parvenait difficilement à prendre pied. La recherche des textures était certes intéressante, mais ses grooves stagnants nous ont laissés de glace...