Lorsqu'on la soude à la vidéo d'art, la musique électronique est généralement présentée sans performance en temps réel. Sixtrum, un ensemble montréalais de percussions, entend modifier cette dynamique: aux images et aux sons de synthèse se greffent six instrumentistes en chair et en os. D'où ces quatre oeuvres présentées sous la bannière Lumières, ce mercredi à la salle Claude-Champagne de la Faculté de musique de l'Université de Montréal.

Robert Leroux, percussionniste virtuose et pédagogue qui fut jadis doyen de cette Faculté, explique le processus de l'ensemble Sixtrum dont il a la responsabilité du développement.

«Dans le cadre d'un cours sur la musique actuelle que je donnais à la Faculté, dit-il, j'avais invité le professeur et compositeur Jean Piché à y présenter son propre concept de vidéo-musique. J'étais presque en pleurs tellement j'avais trouvé magnifique son travail! Je m'étais alors dit qu'il faudrait associer sur scène un tel concept à de vrais instrumentistes. Ajouter une autre dimension à ce travail formidable. Pendant quelques années, Jean et moi avons caressé ce rêve.»

L'occasion s'est présentée lorsque le festival Élektra a passé la commande à Jean Piché ainsi qu'au guitariste Sylvain Pohu (aussi membre du groupe IKS). 

«En mai dernier, les membres de Sixtrum ont tellement aimé vivre cette expérience que nous avons entrepris d'ajouter d'autres oeuvres à celle de Piché et Pohu, pour ainsi présenter un spectacle complet. Nous avons alors demandé aux compositeurs Louis Dufort et Dominic Thibault de nous proposer chacun une pièce substantielle.»

Au programme de Lumières, donc, se succèdent  K'anchay de Jean Piché, yutiröp de Louis Dufort, Beat de Sylvain Pohu, Reckless Brown Dreams de Dominic Thibault. Six percussionnistes de Sixtrum participeront à l'interprétation du matériel original: João Catalão, Julien Grégoire, Philip Hornsey, Kristie Ibrahim, Sandra Joseph et Fabrice Marandola. 

«Ce qui est d'autant plus excitant pour les instrumentistes de Sixtrum dans ce contexte, soulève Robert Leroux, c'est qu'ils jouent presque exclusivement sur des interfaces électroniques. Aux compositeurs de Lumières, nous avons lancé le défi de déjouer ces handicaps inhérents à la percussion électronique jouée en temps réel, et surtout éviter ce reproche qu'on adresse souvent à cette nouvelle lutherie: la difficulté d'en transmettre l'expressivité.» 

Effectivement, les percussions électroniques donnent souvent l'impression que ses utilisateurs n'en jouent pas vraiment. Pis encore, le public peut avoir du mal à identifier qui joue quoi. 

D'après Robert Leroux, ces pièges sont évités dans Lumières: «La technologie y est poussée au maximum mais les instrumentistes qui l'exploitent prennent la place qui leur revient. Dans certains cas, l'image colle aux sons et aux partitions que doivent interpréter les musiciens. Dans d'autres, ce sont les musiciens qui «jouent de la vidéo», c'est-à-dire lorsque les images sont déclenchées par leurs improvisations.»

Lorsque des percussionnistes sont rendus à jouer de la vidéo, on se dit que le calendrier maya tire vraiment à sa fin!

Lumières est présenté mercredi, 20h, à la salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal.