On l'aura réalisé en 2010. La notoriété atteinte par Arcade Fire a largement débordé de son cadre indie, même si ce cadre était d'ores et déjà international. Cette année, la formation montréalaise a atteint la stature des supergroupes anglo-planétaires. C'est-à-dire en mesure de faire les plus grosses affiches des festivals. De remplir les plus vastes amphithéâtres. D'irradier la planète rock.

Cette croissance a commencé avec la sortie virale et progressive de l'album The Suburbs, début juin. Départ tout doux, deux soirs au Théâtre Granada de Sherbrooke, les 7 et 8 juin. Puis les médias sociaux ont été interpellés comme les institutionnels par ce spectacle annoncé à la dernière minute au stationnement de la Place Longueuil. Le mercredi 9 juin, l'asphalte de la Rive-Sud aura été foulé par une dizaine de milliers de fans et curieux du voisinage.

Solidarité Haïti

Le lundi 12 juillet, le groupe a manifesté sa solidarité avec les sinistrés d'Haïti, Régine Chassagne a participé à Québec au démarrage de Kanpé, fondation se consacrant à la reconstruction dans les campagnes de l'île. Ce soir-là, Arcade Fire a embrasé les plaines d'Abraham et a invité la formation RAM, de Port-au-Prince, à monter sur scène au rappel. Quel grand spectacle donné au Festival d'été de Québec!

Depuis lors, le groupe donne à la cause haïtienne (Kanpé ou l'organisme Partners In Health) 1 dollar/euro/livre pour chaque billet de concert vendu en Amérique ou en Europe.

Le 31 juillet, le groupe a triomphé sur la scène principale du festival Osheaga au parc Jean-Drapeau. Déjà, les signes d'une progression fulgurante étaient tangibles. Il fallait constater l'intérêt que portait la presse internationale face aux sorties sur l'internet de The Suburbs dont la sortie officielle était prévue le 3 août.

Le marché anglo-américain, toujours le plus considérable des pays avancés, a eu tôt fait d'adhérer à fond la caisse aux nouvelles propositions d'Arcade Fire. The Suburbs n'est peut-être pas un album aussi visionnaire que le fut Funeral, paru en 2004, mais il s'avère plus fédérateur que Neon Bible en 2007. Un album serti de chansons très bien construites et non moins viscérales, dont certaines feront partie des classiques de la formation - Ready To Start, Modern Man, Empty Room, We Used To Wait, Sprawl II (Mountains Beyond Mountains).

Au lendemain d'Osheaga, Arcade Fire s'est produit deux soirs d'affilée (les 4 et 5 août) au Madison Square Garden de New York. Une hyperdiffusion sur YouTube du deuxième concert a été réalisée par l'éminent cinéaste et acteur Terry Gilliam. Toujours dans la fine cinématographie, le vidéoclip de The Suburbs a été réalisé par Spike Jonze. Celui de la chanson We Used To Wait l'a été par l'équipe Google dirigée par le réalisateur Chris Milk. Puisque le groupe montréalais suscite une intense circulation de ses contenus audiovisuels dans l'environnement numérique, on imagine l'intérêt que lui portent les plus puissants hébergeurs du web.

Et l'effervescence est loin d'être épuisée. Les 1er et 2 décembre, le groupe a rempli à craquer l'O2 à Londres, le plus important amphithéâtre de la métropole britannique.

Depuis sa sortie, The Suburbs a grimpé jusqu'en première position du palmarès Billboard (top 200 albums) ainsi que du plus important palmarès d'Angleterre. Au Canada, inutile d'ajouter que l'album s'est aussi rendu au sommet de la recension Soundscan.

Arcade Fire s'est produit sur les plus importants plateaux de télé culturelle anglo-américaine, Saturday Night Live, le 13 novembre, et le Daily Show de Jon Stewart, le 12 août, pour ne nommer que ceux-là.

The Suburbs a été mis en nomination aux prochains Grammy Awards, et ce, dans trois catégories importantes: «album de l'année», «album alternatif de l'année» et «performance rock par un groupe ou duo». The Suburbs a aussi été mis en nomination aux prestigieux Brit Awards pour les catégories «album international de l'année» et «groupe international de l'année». On imagine le rayonnement supplémentaire si AF récolte quelques statuettes au premier trimestre de 2011.

Improvisation maîtrisée

Voilà autant d'accomplissements d'une communauté d'artistes qui marchent à l'instinct.

On se souviendra d'un certain désordre dans la gestion passée des interviews aux médias locaux. Voilà qui tient à un plan de carrière plutôt informe au début... qui a fini par se transformer en improvisation maîtrisée.

«Ils font vraiment ce qu'ils veulent, mais il n'y a pas de gros plan, de stratégie. Ils s'associent à des gens qu'ils aiment et font ce qu'ils ont envie de faire! S'il y a quelque chose d'unique avec ce groupe, c'est que rien n'y est vraiment prévu d'avance», affirme-t-on du côté du management - Dounia Mikou au Canada et Scott Rodger (Björk, entre autres) à l'échelle internationale. Au magazine Billboard, Rodger a confié que les membres d'Arcade Fire avaient la maîtrise totale de leur marque et de leurs droits, ce qu'on confirme à Montréal sans hésitation aucune.

«Ils sont vraiment en maîtrise. Chaque aspect de leur carrière est très important pour eux et ils prennent toutes les décisions. Tout passe par eux, ils sont au courant de tout», renchérit-on dans l'entourage de cette tribu montréalaise que constituent Win Butler, Régine Chassagne, Richard Reed Parry, Tim Kinsbury, William Butler, Sarah Neufeld et Jeremy Gara, sans compter leurs amis tel le brillant arrangeur, compositeur et multi-instrumentiste ontarien Owen Pallett.

Ainsi s'achève 2010, l'année où Arcade Fire est devenu un supergroupe.