En Provence, Noël est période de joie, et c'est dans cet esprit lumineux, souriant que l'ensemble musical québécois Strada s'est plongé dans le répertoire médiéval provençal pour son nouveau spectacle, Colinda, présenté un peu partout dans les jours qui viennent. Avec instruments d'époque et polyphonie vocale: sonnez, cromorne, résonnez, galoubet...

Titre du nouveau spectacle de Noël de la Strada, Colinda sera également le nom du troisième album de Noël conçu par le groupe (lancé l'an prochain), mais on vous recommande très, très chaleureusement de mettre la main sur le précédent, l'album Kadou, avec ses Noëls médiévaux d'Irlande, France, Angleterre, Bulgarie, etc., pour renouveler l'expérience «musique du temps des Fêtes» et comprendre l'extraordinaire travail de Strada.

Impossible de se lasser d'airs inconnus, mais inspirés, venus de la nuit des temps. Et puis, depuis plus de 10 siècles, le mot «noël» ne désigne-t-il pas non seulement la fête de la Nativité, mais aussi les chansons populaires qui ont Noël pour thème?

Pour le nouveau projet Colinda, Strada a décidé de se concentrer sur le répertoire de Noël venu de l'Occitanie, de la Provence: «Nous sommes d'ailleurs vêtus comme des santons, des bergers de Provence pendant nos spectacles, explique le directeur musical de Strada, dit Pierre Langevin. Nous avons décidé d'interpréter certains de la centaine de noëls trouvés dans un manuscrit du XVIe siècle, Notre-Dame des Doms (conservé dans la cathédrale d'Avignon) et des noëls de Nicolas Saboly (1614-1675): c'était un notaire, qui était aussi organiste à son église, et qui a décidé de réunir des airs qu'il aimait -tirés de l'opéra, de chants traditionnels, etc.- pour y mettre des paroles de Noël.»

Tout le répertoire est chanté en langue occitane, appelée aussi langue d'oc, toujours parlée dans le sud de la France, une partie de l'Italie et de l'Espagne, et à Monaco: «Au Québec, on s'intéresse toujours aux langues qui résistent, explique Pierre Langevin en riant. Et comme la langue occitane est proche du français, on comprend assez de quoi il est question. Nous avons d'ailleurs choisi des chansons dont le texte nous importait, avec des thématiques qui nous plaisaient: par exemple, le diable, qui en Provence, est un petit diable à qui on peut donner des coups, qu'on poursuit dans les champs de vigne, qu'on roule dans la panure et qui est enragé noir parce qu'il est en train de perdre la face, parce que Jésus est né!»

La joie avant la culpabilité

Certaines chansons parlent plutôt des bergers, qu'il faut aller réveiller pour qu'ils se rendent à la crèche. Il y est aussi beaucoup question de nourriture, car il y a un bébé à nourrir, les gens arrivent donc à l'étable soit avec un instrument, soit avec un plat!

«C'est un répertoire de Noël où il est plus question d'affection que de dévotion, plus de joie et moins de culpabilité, reprend Pierre Langevin, qui joue lui-même des flûtes, des cornemuses, du chalumeau et du cromorne. Pour les Provençaux, c'est la fête du «pitchou boubou», du petit enfant pur qui représente la lumière au milieu de la nuit et du froid.»

Pour Colinda, le réputé musicien occitan Miquèu Montanaro, qui joue notamment du galoubet (une flûte à trois trous dont on joue d'une main, l'autre tenant un tambourin!) se joint au groupe: «On a rencontré Miquèu il y a plusieurs années, et il avait été très surpris de voir un groupe québécois interpréter des airs occitans, comme nous le faisons depuis 1993. Avec lui, on interprète en spectacle 18 morceaux, dont 15 sont chantés (le spectacle dure une heure). Ce qui est intéressant, c'est qu'on y mêle aussi un peu de la tradition anglo-saxonne: le côté «caroling», c'est-à-dire chanter en choeur des airs de Noël, existe encore beaucoup en Grande-Bretagne et ici, mais beaucoup moins en France, par exemple.»

Bon nadal e bona annado...

Colinda de Strada, avec Miquèu Montanaro. À la Chapelle historique du Bon-Pasteur, mercredi, et à l'Église de la Visitation, jeudi; de même qu'à Québec, Sherbrooke, Pointe-Claire, Château-Richer, etc. Infos: www.strada.ca