Le fils de Frank Zappa, mort en 1993 et qui aurait eu 70 ans le 21 décembre prochain, pourrait passer le reste de son existence à préserver le patrimoine paternel, soit une soixantaine d'albums. Âgé de 41 ans, Dweezil Zappa persiste et signe, bien qu'il soit de plus en plus tenté par la création de musique originale.

Le nouveau chapitre de l'aventure Zappa Plays Zappa se consacre à un des albums les mieux connus du répertoire zappien: Apostrophe, lancé en 1974, succédait au non moins vénéré Over-Nite Sensation et dont le groupe de huit musiciens interprétera Dinah-Moe-Hum, selon les dires de son leader, interviewé quelques jours avant cette nouvelle escale montréalaise.

«Chaque fois que nous repartons en tournée, nous tentons de renouveler la proposition. Car ceux qui viennent à notre rencontre sont des fans fidèles qui en demandent toujours plus. Nous nous attendons aussi à ce qu'un public plus jeune découvre cette musique. La matière d'Apostrophe s'y prête bien, car elle est plus accessible que les répertoires choisis lors des tournées précédentes; ces chansons comportent un bel équilibre pour grossir les rangs des fans de Frank: rock, jazz, funk, solos de guitare, parties orchestrales, sens de l'humour, etc. Voilà une occasion exceptionnelle de démontrer toute la profondeur de Frank en tant que compositeur, auteur, humoriste, guitariste, arrangeur, etc.»

L'approche de Dweezil Zappa exclut toute diffraction. Selon lui, la reproduction fidèle suffit amplement.

«Le son des enregistrements d'origine constitue une variable importante de cette musique. Je dirais même que la personnalité des pièces est dictée par leur son originel. C'est pourquoi je ne crois pas nécessaire de les réarranger. L'objectif, en fait, est de rappeler aux fans les versions de Frank et aussi de les révéler aux plus jeunes. Ainsi, nous traitons la musique de mon père comme un patrimoine classique et non comme de la pop culture.»

Dans cette optique, le guitariste et leader se défend bien de faire dans le groupe-hommage.

«Certains, déplore-t-il, voient dans notre approche un sous-produit, une opération nostalgie, un groupe de reprises. Ce n'est vraiment pas le cas! Notre orchestre comporte des musiciens d'exception, capables de jouer à un niveau beaucoup plus élevé que ne l'exigent le rock et la pop en général. Nous essayons d'atteindre le niveau technique des albums originaux. Nous y sommes arrivés, je crois bien. Le groupe a progressé au fil des ans, le noyau est resté intact depuis un moment - le chanteur Ben Thomas et le claviériste Chris Norton sont les derniers à s'être joints à la formation. Cet alignement est mon préféré, car ces musiciens n'ont pas une approche académique de Frank Zappa.»

La matière au programme exclut d'emblée la notion de reprises pop-rock, insiste Dweezil.

«Cette musique intemporelle ne parle-t-elle pas d'elle-même? Rien à voir avec la nostalgie. C'est d'ailleurs pour nous un défi de nous dégager de cette image de groupe-hommage. En mettant l'accent sur la complexité et la finesse de la matière à jouer. En remettant aussi les pendules à l'heure pour certains fans qui résument l'oeuvre de mon père à quelque rock satirique.»

Musique classique, donc. Sa reproduction fidèle, cela étant, n'exclurait pas la création à moyen terme.

«On me demande souvent de jouer ma propre musique, confie Dweezil. Depuis le début de cette aventure, je n'ai pas eu le temps de me consacrer à la composition, mais... j'estime avoir acquis de nouvelles compétences techniques, une vaste connaissance de musiques raffinées et complexes. Et je suis le premier surpris de cette nomination pour un Grammy, catégorie meilleure performance instrumentale. Peut-être suis-je prêt à composer de nouveau...

«Bien sûr, on m'attendrait au détour, mais on serait curieux savoir ce que j'aurais à proposer. Le public, je crois, serait réceptif à écouter une musique qui reflète la période actuelle. Zappa Plays Zappa recrée les textures d'une autre époque, mais nos fans ont peut-être envie de s'imprégner d'atmosphères musicales d'aujourd'hui. Enfin... D'ici à ce que ça se produise, jouer la musique de mon père sera un défi de tous les jours, un plaisir renouvelé. Vaincre la difficulté des structures, jouir de cette liberté d'improviser entre les parties écrites, faire en sorte que chaque concert soit différent.»

Zappa Plays Zappa, au Métropolis, le 14 décembre, à 19h30.