Après les trois Priests irlandais, voici les trois Prêtres français, dont l'album sort aujourd'hui au Québec après avoir connu un succès exceptionnel dans l'Hexagone. Conversation avec l'instigateur de cette aventure musicale et caritative à quelques jours du passage du trio au Québec.

Monseigneur Jean-Michel di Falco n'est pas un inconnu en France où il a publié de nombreux livres dont Je crois moi non plus, un «dialogue entre un évêque et un mécréant», en l'occurrence Frédéric Beigbeder. Mais jamais il n'aurait cru se lancer tête première dans la production d'un album de chansons qui serait un des grands succès de 2010 en France.

Cet album, Spiritus Dei, s'est écoulé à un demi-million d'exemplaires de l'autre côté de l'Atlantique et a occupé le sommet du palmarès pendant neuf semaines, toutes catégories musicales confondues. Plus récemment, Les Prêtres français ont enregistré un DVD avec une chorale de 80 voix dans la cathédrale de Rouen.

Mgr di Falco, évêque de Gap et d'Embrun, avait deux projets qui lui tenaient à coeur - un sanctuaire marial dans son diocèse et une école à Madagascar -, mais ne savait pas comment amasser les fonds nécessaires à leur réalisation. L'idée d'un disque, lancée par son ami musicien Didier Barbelivien, lui aurait peut-être paru saugrenue s'il n'avait eu vent du succès remporté par les Priests irlandais qui ont vendu un million d'albums en 2008. Mgr di Falco a donc réuni les pères Jean-Michel Bradet et Charles Troesch et le séminariste Dinh Nguyen Nguyen et leur a fait enregistrer l'album Spiritus Dei, sur lequel il chante à peine, mais lit quelques textes dont un racontant la genèse du projet.

Malgré son titre en latin, Spiritus Dei est un album nettement plus «pop française» que celui des Priests, sur lequel figurent aussi bien Ave Maria et Amazing Grace que du Brel, du Cabrel et du Leonard Cohen, un extrait de la comédie musicale Les dix commandements (L'envie d'aimer) et deux cantiques de Noël. La musique privilégie les programmations modernes; par moments, on jurerait entendre du Era. La deuxième chanson du disque, I Believe, a d'ailleurs été écrite par le fondateur de ce groupe français vaguement Nouvel Âge qui mêle les synthés au chant calqué sur le grégorien.

«Je souhaitais que ça puisse rejoindre un certain nombre de personnes qui ne sont pas nécessairement familières de la musique religieuse, avec des chansons plus populaires qui soient porteuses de valeurs auxquelles, en tant que chrétiens, nous sommes attachés, explique Mgr di Falco. En France, ça touche plusieurs générations, des enfants relativement jeunes à des personnes très âgées, et de tous les milieux sociaux, des très modestes aux plus bourgeois. Ça traverse aussi ce qu'on appelle en France les différentes sensibilités chrétiennes: des gens plus classiques et d'autres qu'on qualifierait de plus progressistes.»

Il l'a constaté au cours de la tournée de concerts des Prêtres en France, d'avril à septembre, mais aussi dans le courrier qu'ils ont reçu: «Ce qui nous a surtout fait plaisir, c'est que beaucoup de ces lettres commençaient par: «Je ne vais plus à l'église ou je ne suis pas croyant, mais ce CD m'a apporté la paix, m'a réconforté, m'a fait me poser à nouveau la question de Dieu; ça m'a aidé à me remettre à prier.»»

Leonard Cohen revisité

La chanson de Leonard Cohen est nulle autre qu'Alléluia (Hallelujah dans la version originale), mais ses références au désir et à l'amour charnel ont disparu dans la traduction française. «Nous avons refait les paroles parce qu'on trouvait que son texte n'était pas très porteur d'espérance, justifie Mgr di Falco. C'est pourquoi, avec son autorisation, on a écrit un texte qui est un genre d'hymne à la création. Il (Cohen) a donné son accord sans problème, mais son fan-club n'était pas très content parce qu'il trouvait dommage qu'on ait changé les paroles. Nous aimions bien la mélodie, mais nous ne pouvions chanter les paroles telles qu'elles étaient. D'ailleurs, dans les concerts, c'est vraiment un grand moment où tout le monde chante avec nous cet Alléluia

Mgr di Falco regrette que Les Prêtres ne donnent pas de concert au Québec où ils célébreront deux messes la semaine prochaine. «Mais jamais je n'aurais imaginé que nous serions invités à aller chez vous», ajoute-t-il. Il ne s'attendait évidemment pas à un succès d'une telle ampleur qu'il explique par les difficultés, économiques ou autres, que traversent les gens actuellement.

«L'expression qui revient le plus souvent dans le courrier que je reçois, c'est «ça me fait du bien». Les Prêtres ne se prennent pas pour de grands artistes, mais, justement, le fait que ça soit simple et sans prétention rejoint les gens dans leurs aspirations spirituelles. Nous avons le même phénomène ici en France en ce moment avec le film Des hommes et des dieux (sur des religieux assassinés en Algérie pendant les années 90). Au-delà du fait que nos églises sont moins occupées qu'elles ne l'étaient dans le passé, il reste au coeur des hommes et des femmes de notre temps une ouverture vers le spirituel, vers ce que nous trouvons dans Dieu et qu'ils appellent peut-être autrement, mais qui en tout cas fait partie de la personne humaine.»

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Les Prêtres célébreront une messe et rencontreront les paroissiens le 22 novembre, à 12 h 05, à la basilique Notre-Dame de Québec, et le 23 novembre, à 12 h 15, à la basilique Notre-Dame de Montréal.

LES PRÊTRES, Spiritus Dei, Sony Classical

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