Jazz? Blues? Country? À l'aube de sa première tournée comme tête d'affiche, le guitariste Jordan Officer dit préférer le « langage personnel « au jeu des catégories. Énergie, espace, équilibre...

Les affaires vont bien pour Jordan Officer. Son premier disque solo lui a valu un Félix; sa longue collaboration avec la chanteuse Suzie Arioli vient de s'enrichir d'un fort bel album de Noël; et le guitariste montréalais entreprend cette semaine la première tournée de sa carrière en tête d'affiche. Tournée qu'il interrompra en mars pour se joindre à la chanteuse de jazz britannique Stacey Kent dans une quinzaine de spectacles du Festival de jazz en tournée.

«Le Félix a été une belle surprise», nous dira Jordan Officer, rencontré la semaine dernière après une répétition avec ses comparses d'enregistrement et de tournée, Stephen Barry et Yvon Plouffe. Dans la catégorie Album de l'année - Jazz création, il avait de la belle compagnie, Jordan Officer: le Christine Jensen Jazz Orchestra, Christine Tassan et les Imposteures, le Julie Lamontagne Trio avec le saxophoniste Donny McCaslin et le saxo André Leroux.

Trophée jazz, section jazz des disquaires, niveau de ventes jazz, quoique un peu mieux que la moyenne à 2500, Jordan Officer n'en veut pas pour autant s'accoler l'étiquette. «Oui, j'étais dans la catégorie jazz à l'ADISQ mais ce disque, on pourrait dire qu'il est autant blues ou country. Pour garder ma liberté de création, je n'ai pas voulu faire un disque qui soit totalement dans l'un ou l'autre style.»

Pour ceux qui ne peuvent penser en dehors des «boîtes», soulignons que Jordan Officer est un disque «acoustique» tandis que le spectacle de jeudi soir à l'Astral entrera dans la catégorie «électrique»... Avec Yvon Plouffe à la batterie et le vétéran, pour ne pas dire vénérable, Stephen Barry à la basse électrifiée. «Stephen a un sens du rythme et un groove hors du commun», dira Jordan Officer de son ancien band leader qu'il allait entendre au G-Sharp alors qu'il n'avait pas tout à fait l'âge pour se trouver dans un tel lieu de perdition musicale.

Plus tard, en solo ou comme membre à part entière du Stephen Barry Band - où il a remplacé Michael Browne -, Jordan Officer jouera dans des dizaines d'autres bars où le public n'est pas toujours... attentif, disons. «Dans un lieu comme le Bar Fly (ex-G-Sharp, sur la Main), un tiers des gens écoutent le spectacle pendant que les autres jasent ou jouent au pool. Il faut construire le spectacle en conséquence.»

Jordan Officer s'est-il préparé autrement pour son premier spectacle comme frontman? «Pas vraiment. Bien sûr, le lien avec le public est différent selon que je joue en solo, que j'accompagne Suzie ou que je me trouve à la tête d'un ensemble. Le lien avec les autres musiciens - et avec la musique - change aussi selon les circonstances, mais la base reste la même: il faut utiliser l'espace de façon optimale - ce qui ne veut pas dire sauter partout - et trouver l'équilibre entre l'énergie et le risque.»

On risque donc de voir le même J.O., intensément discret et discrètement intense... «Ce n'est pas parce que je me produis sous mon propre nom que, tout d'un coup, je me sens obligé de devenir extraverti, de faire comme Suzie. Sur scène comme ailleurs, la force réside dans la capacité d'être soi-même.»

Le même Jordan Officer, certes, mais que l'on aura la chance de découvrir comme chanteur. «J'ai toujours aimé chanter même si je n'ai toujours fait que les voix...» « Au programme «chanté», cinq ou six chansons dont une de Bo Diddley et le grand hit du duo country des Delmore Brothers, Blues, Stay Away from Me. Cette chanson, considérée par plusieurs comme l'une des pièces fondatrices du rock-and-roll, a été reprise par des dizaines d'artistes - allez voir sur YouTube -, des Everly Brothers à Mark Knopfler, de Wanda Jackson, la reine du hillbilly, à Chris Isaak.

Qu'en fera l'inclassable guitariste? Une ballade de Texas swing sans le violon? Un gros blues sale? Oui, les affaires vont bien pour Jordan Officer, mais ça ne l'empêche pas de rester près du blues... tout en chantant le contraire: Blues, tiens-toi loin de moi/Sais pas pourquoi tu reviens toujours me hanter.

Jordan Officer en trio, ce soir à la salle Pauline-Julien de Sainte-Geneviève et jeudi, à 20h, à l'Astral.