Après trois spectacles délirants au Club Soda en moins d'un an, celui que donnera Damien Robitaille au Cabaret Juste pour rire le 10 novembre dans le cadre du Coup de coeur francophone tombe à point nommé. Il s'y produira seul, ou presque, comme à ses débuts quand il était accompagné uniquement de ses «musiciens imaginaires». Rencontre avec un gars timide qui a compris qu'en musique, il fallait foncer.

«Je voulais quelque chose de différent du gros show que je fais depuis un an, une espèce de retour aux sources», raconte Damien Robitaille, attablé à la cafétéria de La Presse après une séance de photos à laquelle il s'est prêté avec un enthousiasme non feint.

Depuis un an, en effet, le plus rigolo des chanteurs à moustache donne le spectacle musical le plus fou et le plus fort en vitamines au Québec. Un show qui donne le goût de danser comme son deuxième album Homme autonome, monté avec un groupe à géométrie variable, du trio à un ensemble de neuf musiciens dont des cuivres et des choristes. «Les shows qu'on a faits au Club Soda, c'était malade, dit-il avec une lueur dans le regard. Je n'ai jamais senti un bourdonnement de foule aussi fort que quand je suis sorti de scène en mars dernier. Il a fallu que je prenne une pause tellement je ressentais une sensation bizarre.»

Après se l'être «jouée big» en s'inspirant à la fois de Frank Sinatra et de James Brown, ça va lui faire du bien de retourner au solo ne serait-ce qu'un soir à l'invitation du Coup de coeur francophone, assure-t-il en précisant qu'un musicien (Guillaume Chartrain) va venir le retrouver vers la fin du spectacle et qu'il attend un invité-surprise, peut-être deux. «Pour sortir de ma zone de confort, explique-t-il. C'est important de faire ça de temps en temps parce que je donne mon show depuis un an et qu'il est rodé. Sans groupe, je ne peux pas faire mon crooner parce que je joue tout le temps d'un instrument.»

Ce show solo, c'est aussi l'occasion de jouer ses chansons comme elles ont été écrites au départ, dit-il: «Mais en spectacle, quand je me mets au piano, j'essaie de groover ça.» Mardi matin, il n'avait pas encore décidé quelles chansons il allait retenir et dans quel ordre il allait les jouer, mais aucune n'était exclue, sauf peut-être Le touriste du temps, «une toune grandiose avec plein de voix, qui serait peut-être moins le fun tout seul.»

L'artiste franco-ontarien apprécie beaucoup les échanges entre artistes québécois et européens que provoque le Coup de coeur francophone à Montréal. Mais ce qui lui plaît le plus dans la mission que s'est donnée ce festival, c'est la possibilité d'aller rendre visite aux communautés francophones du Canada. «J'ai vraiment tripé la fin de semaine dernière à Regina, Gravelbourg et Winnipeg, dit-il. C'est bon pour ça, le Coup de coeur. Mais il faudrait qu'ils aillent dans mon village (Lafontaine). Cet été, j'y ai emmené mes musiciens, au Festival du Loup. Ils se disaient qu'ils allaient dans le fin fond du Canada et ça ne leur tentait pas, mais on a eu beaucoup de fun. C'est dans mon Top 3 des spectacles de l'année!»

Le chemin parcouru

Damien Robitaille se souvient du moment où il a décidé de quitter Lafontaine pour aller faire carrière à Montréal. «J'étais naïf, dit-il en souriant. Je me suis dit: je vais débarquer à Montréal, je vais jouer dans les bars et ça va débloquer à un moment donné. Heureusement, on m'a offert une bourse pour aller à l'École de la chanson (à Granby). En musique, il n'y a pas de chemin battu: il faut juste foncer et à un moment donné, tu rencontres du monde.»

En cinq ans, le jeune inconnu qui avait un mini-album de six chansons est devenu une vedette établie, auteur de deux disques réjouissants et nommé cette année pour pas moins de huit Félix dont trois prestigieux (auteur-compositeur, spectacle et album folk contemporain) avec lesquels il pourrait repartir du gala de l'ADISQ demain soir. Il en a déjà un sur sa cheminée: celui du scripteur de spectacle qu'il partage avec son complice Pierre-Yves Bernard, remporté lundi au gala de l'industrie. Quelques heures plus tard, il volait le show à l'Autre Gala en faisant un strip-tease à l'envers tout en chantant On est né nu. «C'est quelque chose dont je rêvais quand j'ai écrit la chanson: faire un vidéoclip où je commence nu et finis habillé.»

Damien Robitaille adore faire rire les gens. Ça tombe bien, il possède un sens de la répartie peu commun. Quand une spectatrice lui a lancé son soutien-gorge, au Club Soda en juin dernier, le Don Juan de la chanson a d'abord répondu «trop facile», d'un air moqueur. Puis d'un geste désinvolte, il a lancé le précieux objet à un technicienen lui disant: «Guillaume, mets-le avec les autres.»

Il est tout aussi irrésistible quand il joue les preachers et commande des «Alleluia!» à ses fans. «J'ai été un born-again Christian à l'adolescence, explique-t-il. Je me suis fait baptiser deux fois, la deuxième à 18 ans. Je ne peux pas mentir, moi, mais je peux exagérer.»

Homme occupé

Pour couronner cette année bien remplie, Damien Robitaille vient tout juste de jouer le rôle d'un brocanteur aux côtés de Louison Danis dans le film franco-ontarien La sacrée du réalisateur Dominic Desjardins. Il se pourrait qu'il y contribue également de la musique, comme il en a composé récemment pour des émissions de télé et de radio. Il ne chômera pas non plus en 2011, promenant son spectacle au moins jusqu'à la fin de l'été, avec quelques allers-retours en France où il doit passer le mois de mars, avec un arrêt à l'Européen, à Paris. Après une dizaine de voyages en Europe, il s'est enfin trouvé un tourneur qui lui assurera un suivi. «Faut juste que je trouve les bons endroits où jouer, explique-t-il. Donne-moi un public et je suis confiant de pouvoir en séduire plus de la moitié.»

Cette fois, son entourage a bon espoir que l'album Homme autonome sera lancé en Europe. La chanson Une minute, qu'il a écrite en deux heures au Cabaret Libre Influence de Bori avant d'en confier le texte à Gaële, pourrait peut-être lui servir de carte de visite. Elle sera en effet du nouvel album de Line Renaud, 82 ans, qui sort en France dans deux jours. «C'est une toune heureuse et nostalgique, dit-il. Je suis souvent nostalgique dans mes tounes, je pense...»

Damien Robitaille a beau ne pas le laisser paraître en spectacle, il se dit timide. Mais il ne s'étonne pas du succès qu'il a obtenu. Ses huit nominations à l'ADISQ le réjouissent parce qu'elles attestent du bon travail de son équipe et prouvent que son travail a porté ses fruits. «J'ai confiance dans ce que j'ai à offrir et dans mon équipe, dit-il. Et je veux aller plus loin. J'ai hâte au prochain disque, au prochain show. Je retrouve le goût de créer, ça recommence à bouillonner.»

Quoi d'autre, Damien?

«Hummm... l'Argentine? J'y suis allé en mars, jouer pour des francophones...» Il fait une pause, puis éclate de rire: «Ça n'a pas de rapport, j'essaie juste de t'impressionner!»

DAMIEN ROBITAILLE, au Cabaret du Musée Juste pour rire, le 10 novembre, 20h30. En première partie: Nicolas Jules.