L'animateur, DJ et journaliste MC Gilles lance, la semaine prochaine, un double coffret. Les grands classiques de MC Gilles sont 41 chansons enregistrées par Roger Miron (Le Stade olympique), Josette Noreau (Wo ménopause), Jeanne-Mance Cormier (La chanson de l'handicapée), Marguerite Bilodeau (Être une infirmière), etc. Bref, des chansons dignes de tourner à son émission radio Va chercher le fusil (diffusée à Montréal, Québec, Sherbrooke, Gatineau, Yellowknife, Toulouse (France) et... l'île d'Anticosti!), de figurer dans son «top 5 de la chanson du terroir» qu'il présente le vendredi matin à l'émission de Paul Arcand ou d'être commentées par Jean-René Dufort à Infoman, dont MC Gilles est un des collaborateurs. On a lui a posé quatre questions plates.

Q: Pourquoi choisir des chansons qui sont souvent honnies, ridiculisées, dénigrées, oubliées, etc.?

R: Ça fait deux ans et demi que je travaille sur ce projet, avec une question bien précise en tête: est-ce que je cherche le beau ou l'authentique? Ma réponse, c'est l'authenticité. Ce qui est authentique est éternel. Alors que si on se fie sur ce qu'on trouve beau ou pas, bon ou non, on entre dans l'éphémère: ce que j'aime aujourd'hui me laissera peut-être indifférent dans cinq, dix, quinze ans. Toutes les chansons que j'ai choisies provoquent, je crois, une vraie émotion... jusqu'au malaise, s'il le faut: ça peut être des frissons, de la nostalgie ou un rire incontrôlable. Mais ce sont toutes des chansons authentiques. Et des chansons qui parlent de toutes sortes dec choses, alors que dans les médias, le sujet des chansons commence toujours par un «a» et finit par «mour». Moi, j'ai aussi envie d'entendre parler de Truck d'asphalte (de Pierre LePage) ou de Mon cheval est mort (de Danièle et Michèle).

Q: Est-ce qu'il a été compliqué de convaincre les chanteurs? N'avaient-ils pas peur d'être ridiculisés?

R: Le plus facile a été de convaincre les artistes. C'est avec l'Union des artistes que ça a été extrêmement compliqué. Si tu peins des toiles, il n'y a pas d'Ordre des peintres qui vient décider si tu es ou pas peintre. Mais en musique, il y a des gens qui disent qui sont des vrais ou des faux artistes! À l'UDA, on m'a dit que je ne pouvais pas faire ce double disque parce que les artistes n'avaient pas respecté la convention collective de 1992! Ils n'avaient pas le droit de figurer sur un disque lancé sur une étiquette de disques reconnue, par un distributeur reconnu, parce qu'ils étaient, et je cite, «des usurpateurs, des travailleurs au noir, de faux artistes» !

Q: Un exemple de ce que ça veut dire?

R: Marguerite Bilodeau est une infirmière qui a décidé, à 70 ans, d'enregistrer un disque: elle avait le droit de le faire, dit l'UDA, pas le droit de le vendre parce qu'elle ne respecte pas la convention, qu'elle n'a pas payé ses musiciens ou ses techniciens selon tel ou tel tarif! On s'entend-tu que sur internet, actuellement, il y a certainement 90% des gens qui y mettent leur musique sans respecter aucune convention? Et en plus, ces chansons ne pouvaient pas figurer sur une compilation à titre de reprises puisqu'elles ne figurent pas sur de «vrais» disques, reconnus par l'UDA, ça ne peut donc pas être une «vraie» reprise! Alors? Alors, finalement, on a réussi à signer une «entente particulière» avec l'UDA pour que ça finisse par se faire. Ce n'est pas à nous de décider si ce sont des artistes, on peut juste décider si on aime ou pas ce qu'ils font. Pour ma part, je les traite en artistes et je les paie le double de ce qu'ils seraient payés s'ils figuraient sur une autre compilation: 14 cents au lieu de 7 par exemplaire de disque vendu. Tu te rends compte qu'on parle de cents, ici, pas de grosses piastres, je n'en suis pas revenu de la difficulté que ça a été de sortir ce coffret pour des cents... Une chanson comme Aux îles de Pierre Robichaud (ex-membre du groupe 1755), ça a été un numéro 1 aux Îles-de-la-Madeleine. Mais ça n'a pas le droit de jouer sur une radio commerciale parce qu'il n'est pas membre de l'UDA...

Q: C'est toi qui es sur la pochette du disque et non les artistes, pourquoi?

R: Parce que je suis le messager. Et parce qu'il fallait être juste: de cette façon-là, tout mon monde a sa toune sur le disque, tout le monde a sa page dans le livret (très beau, de 48 pages!), pas de chicane. C'est comme quand on a plusieurs enfants, il faut que tu les aimes pareil, sans traitement de faveur. J'ai choisi les chansons de façon démocratique, c'est-à-dire en fonction du plus grand nombre de demandes des auditeurs à la radio (NDLR: où MC Gilles épice les chansons en lançant de retentissants «Oh! que oui» et autres commentaires humoristiques), puis après accord avec les artistes. Est-ce qu'elles sont bonnes? C'est aux gens de décider. Mais elles sont toutes vraies.

Pour plus d'info sur les activités de Mc Gilles: mcgilles.com