L'impression est celle d'assister à deux concerts sans lien entre eux.

La première partie correspond aux 52 minutes que prend le pianiste Peter Serkin pour l'immense deuxième Concerto de Brahms, soit près d'une heure d'une traversée laborieuse dont le chef invité Herbert Blomstedt, caché derrière le couvercle du grand piano, devient en somme le témoin impuissant.

Le bref après-entracte de 25 minutes appartient au maestro Blomstedt. Le pianiste a disparu, avec ses imprévisibles rubatos qui donnaient tant de mal au chef, et celui-ci se retrouve enfin seul avec l'orchestre et la musique qui est la sienne, la Symphonie Mathis der Maler de Hindemith.

À plus de 80 ans, Herbert Blomstedt est l'un des derniers représentants d'une tradition, d'une manière de diriger, à la fois simple, profonde et efficace, qui est hélas! en voie de disparition.

Herbert Blomstedt connaît son Hindemith par coeur et en offre une interprétation d'une grande intériorité. Ici, pas de cheveux longs en broussaille, pas de chorégraphie inutile; au contraire, la plus rafraîchissante sobriété et juste ce qu'il faut de gestes en direction de l'orchestre.

Au deuxième mouvement, Mise au tombeau, il obtient des deux flûtes une véritable tristesse dans la couleur, et ce même si la partition n'indique rien en ce sens. Au dernier mouvement, Tentation de saint Antoine, le plus long des trois, il n'a qu'à ouvrir les deux bras au-dessus de l'orchestre pour en obtenir l'explosif accord fortissimo qui, répété plusieurs fois, décrit le trouble qui s'empare de l'anachorète. Il montre la même maîtrise dans le complexe contrepoint du fugato final.

Quelques mots encore sur le Brahms de M. Serkin. Le pianiste de 62 ans n'a rien perdu de la technique que requiert cette considérable partition, sorte de symphonie avec piano en quatre mouvements et reprise. Hélas! ses maniérismes intermittents privent son discours de toute éloquence, de toute émotion, bref de toute signification. En fait, la piètre performance du fils ne fait que raviver le souvenir du père, le très grand pianiste Rudolf Serkin.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Herbert Blomstedt. Soliste: Peter Serkin, pianiste. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts; reprise ce soir, 20 h. Série «Grands Concerts».

Programme:

Concerto pour piano et orchestre no 2, en si bémol majeur, op. 83 (1878-81) - Brahms

Symphonie Mathis der Maler (1934) - Hindemith