Comment remonter sur scène après un accident qui vous a presque coûté la vie et obligé à abandonner une tournée mondiale? En offrant un petit concert intime ou en se lançant dans une transe de 12 heures devant des dizaines de milliers de personnes? Si vous êtes Daniel Lanois, vous cochez la deuxième case.

Le musicien et réalisateur de renom a exorcisé le sort hier en offrant aux Torontois, dans le cadre de la cinquième Nuit blanche de la Ville reine, une immense installation sonore et visuelle dont il tenait le rôle central.

«C'est mon retour à la maison», nous a dit en entrevue le Québécois de naissance et Ontarien d'adoption quelques heures avant d'élire résidence dans la «forêt d'images et de son» qu'il a conçue pour sa performance nocturne.

«Un homecoming technologique», a ensuite ajouté l'artiste de 59 ans, expliquant qu'il s'est inspiré d'un souvenir d'enfance pour réinventer le Nathan Phillips Square, grande place qui fait face à l'hôtel de ville de Toronto.

Installé sur une scène plus basse que la foule qui l'entourait et qu'il avait baptisée le «bocal à poissons», Daniel Lanois a joué de la guitare, parlé et chanté, de 19 h à 7 h du matin, accompagné d'une équipe de complices, dont la chanteuse Trixie Whitley. Pour les voir évoluer sur scène, il fallait regarder dans un immense miroir que Lanois avait installé au-dessus de la scène.

Sur les écrans multiformes qui étaient éparpillés sur les lieux, un petit ange blanc de plâtre tourbillonnait la plupart du temps. Un hommage à l'ange gardien qui a gardé Daniel Lanois en vie malgré l'accident de l'été dernier? Peut-être. Hier, il était difficile de croire que l'homme qui était sur scène a été cloué dans un fauteuil roulant pendant plusieurs mois après une chute à moto qui lui a laissé six côtes cassées et entraîné une grave hémorragie interne.

«Le noise» de Lanois

À minuit, cependant, l'image du chérubin a fait place à celle d'un des dieux vivants de la scène musicale canadienne, Neil Young. Par l'entremise de vidéos tournées en Californie, l'interprète de Heart of Gold, tout vêtu de blanc, a joué pour les Torontois une poignée des chansons de son nouvel album, Le Noise, réalisé par Daniel Lanois et lancé la semaine dernière.

C'est la première fois que les deux artistes canadiens travaillaient ensemble. «Je connais Neil depuis des années, mais avant Le Noise, il n'avait jamais eu besoin de moi», note Daniel Lanois, qui s'est rendu célèbre en réalisant notamment l'album Joshua Tree de U2 ainsi que plusieurs albums de Bob Dylan.

L'influence de Lanois est évidente sur le dernier opus de Young. Notamment par le titre. ««Le noise», c'est le surnom que Neil m'a donné pendant que nous travaillions ensemble. J'ai trouvé ça très drôle qu'il choisisse ce titre», dit Lanois. Il rappelle que l'accident de juin a eu lieu alors qu'il enregistrait l'album dans son studio en Californie avec Young. «L'accident m'a obligé à annuler des concerts, dont celui que je devais donner à Montréal et ça, ça ne m'a pas plu du tout. Mais ça m'a permis de travailler plus longtemps sur l'album de Neil et je pense que ça a paru», soutient-il.

L'album de Young n'a pas été le seul projet de la convalescence de Daniel Lanois. Celui qui mène aussi de front une carrière de musicien a travaillé sur Black Dub, un album qui sera lancé le 2 novembre et qui porte le nom du groupe que l'artiste a mis sur pied avec Trixie Whitley et le batteur Brian Blade. Hier, la toute jeune formation a donné aux dizaines de milliers d'adeptes de la Nuit blanche une bonne idée de leur univers musical commun.

1 million de somnambules éveillés

L'installation de Daniel Lanois, intitulée Later That Night at the Drive-In (Plus tard ce soir-là au ciné-parc), était l'un des quelque 150 projets artistiques qui ont pris vie hier à Toronto dans le cadre de la Nuit blanche. Près de 1 million de personnes ont déambulé dans les rues de la métropole canadienne-anglaise qui s'étaient transformées en immense galerie d'art contemporain pour l'occasion.