Millbook et Baby, deux chansons du premier album de Rufus Wainwright lancé en 1998,  furent coréalisées par Van Dyke Parks. Ce n'est que la pointe montréalaise de l'iceberg... californien.

Depuis le début des années 60, notre interviewé a réalisé, arrangé, co-écrit ou joué sur des albums des Beach Boys (Smile, plus particulièrement), Tim Buckley, Randy Newman, The Byrds, Cher, Sam Philips, Ringo Starr, Frank Black (des Pixies), Little Feat, T-Bone Burnett, Carly Simon, Bonnie Raitt, Gordon Lightfoot, Fiona Apple, Ry Cooder, Joanna Newsom, Silverchair, Matthew Sweet, The Everly Brothers et plusieurs autres moins connus.

Le grand public ne connaît pas Van Dyke Parks, créateur de l'ombre qui s'est rarement présenté sur scène en un demi-siècle de carrière. Les férus de musique populaire moderne, eux, lui vouent le plus grand respect, ce qui justifie cette mise en lumière pour sa première escale sur une scène montréalaise.

Et comme Pop Montréal présente chaque année quelques programmes réservés aux vétérans les plus éminents de la pop culture, Van Dyke Parks occupera jeudi la place occupée l'an dernier par Loudon Wainwright III ou Burt Bacharach il y a deux ans, pour citer ces exemples probants.

Van Dyke Parks avait poursuivi des études sérieuses en musique, tant et si bien que son expertise de multi-instrumentiste, arrangeur, compositeur, réalisateur et parolier l'a positionné parmi des plus importants artistes de studio dès le début de sa carrière. Il faut écouter son matériel original des années 60 et 70 pour constater sa capacité à habiller les chansons populaires de fastes orchestrations. À l'heure où tous les Sufjan Stevens de ce monde préconisent des orchestrations de plus en plus sophistiqués sur la planète indie, la redécouverte de Van Dyke Parks est plus qu'indiquée.

«Je viens d'un pays qui n'existe plus», amorce-t-il en français lorsque joint à son domicile californien. La phrase est gorgée d'ironie et l'interviewé est prêt à en remettre.

«Je suis un étranger sur ma propre terre, et je suis prêt pour cette tournée.  N'est-ce pas excitant? Vous savez, je suis venu à Montréal une première fois en 1964 afin d'y découvrir Claude Gauthier. Puissantes mélodies, textes intelligents... ça m'avait pris le coeur. Je l'avais vu sur scène mais je ne l'avais pas rencontré. Il écrit toujours des chansons? S'il vous plaît, dites lui de continuer à m'impressionner.»

De toute évidence, Van Dyke Parks est francophile, en plus de s'avérer un interlocuteur courtois, raffiné, d'autant plus généreux.

«Enfant, j'ai étudié le français à l'école. Avec un comte français qui m'a fait découvrir de grands auteurs! Depuis, je me suis toujours intéressé à la culture française. Vous savez, j'ai un fils qui a étudié à McGill, j'ai donc visité Montréal à quelques reprises. Cette ville française et cosmopolite m'impressionne. Rufus Wainwright? Je connaissais son père avant de faire sa rencontre. Il mérite tout ce qui lui est arrivé. Mon fils a aussi séjourné chez Jane McGarrigle.»

Van Dyke Parks n'a pas l'habitude des tournées, il envisage l'expérience avec l'enthousiasme des débutants.

«Je suis très excité, mais aussi angoissé par cette série de concerts. J'y reprends les chansons tirées de quelques-uns de mes albums. À l'occasion, je les interprète avec d'autres. Et je compte également présenter du matériel inédit car je prépare un album qui devrait être terminé à la fin de l'hiver.»

Van Dyke Parks n'a pas lancé d'album solo depuis le tournant des années 90. Il s'est concentré sur la composition de bandes originales pour le cinéma ou la télé, sans compter moult collaborations musicales.

«Je me suis appliqué à faire en sorte que mes enfant puissent poursuivre  des études universitaires, c'est maintenant chose faite et ils ne m'ont pas déçu. Récemment? J'ai écrit pour Ringo Starr, Brian Wilson, Manhattan Transfer... Je viens aussi de compléter une suite orchestrale pour la chanteuse guatémaltèque Gaby Moreno, sans compter la trame sonore du film The Ceremony qui mettra en vedette Uma Thurman. Également, je me suis produit devant 75 000 personnes dans un festival européen (Barcelone), la majorité d'entre eux ne savait pas qui j'étais. Ils étaient venus pour ma musique, pas pour moi.»

Van Dyke Parks estime sa vie remplie de musique, ne lui restait qu'à se produire en public avec mon propre matériel. Car c'est là, selon lui, qu'un auteur-compositeur se révèle vraiment.

«Dans mon travail récent, indique-t-il, il y a peut-être un soucis plus grand pour la joie de vivre car tout devient plus sombre par les temps qui courent. Il faut réaliser qu'en cette ère dite de l'information, 40% des Américains tendent à croire aux idées créationnistes! Au Canada, il y a un peu plus de lumière qu'aux États-Unis mais il y a aussi chez vous ce Sarah Palin factor...  Le sort du monde me trouble en ce moment, c'est pourquoi j'estime avoir des obligations sociales et environnementales. Je crois en ce sens que la musique puisse non seulement divertir mais aussi éclairer.»

Ainsi, Van Dyke Parks a entrepris de ratisser son «pays qui n'existe plus» et plus encore.

«C'est pour moi une nouvelle expérience puisque je n'ai pas construit d'auditoire en tant qu'interprète. Or, je m'estime très chanceux de me produire avec des musiciens très talentueux, modestes, adorables, des musiciens de la Côte Est: Clare and the Reasons regroupent d'excellents chanteurs et musiciens - violon, violoncelle, cor,  clarinette, xylophone, etc. En première partie du  programme, ils créent cette escapade de rêve, je les rejoins près l'entracte. Et nous quittons tous la Terre!»

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Dans le cadre de Pop Montréal, Van Dyke Parks se produit ce jeudi à la Fédération Ukrainienne, 21h.