Éric Goulet est le leader du groupe rock Les Chiens, quand il ne lance pas d'album solo sous le pseudonyme de Monsieur Mono. Mais c'est aussi l'un des réalisateurs de disques les plus en demande et, coup sur coup, trois des disques auxquels il a travaillé sortent ces jours-ci: ceux d'Alexandre Belliard, Joce Ménard et Micoe.

Au fil des ans, Éric Goulet a réalisé des albums d'artistes aussi différents que WD-40 et Steve Veilleux (de Kaïn), Vincent Vallières et Yann Perreau. Voilà que sortent simultanément trois disques qui portent sa touche... mais c'est une coïncidence: «J'ai été approché il y a deux ou trois ans aussi bien par Alexandre Belliard, Joce Ménard et Micoe pour réaliser leur album, explique Goulet de sa voix incroyablement calmante. Mais comme l'industrie du disque est en panique, les choses ne se font pas vite. Et dépendent souvent des subventions.»

« Par exemple, poursuit-il, Micoe a obtenu une subvention de l'organisme Musicaction pour faire un mini-album de quatre chansons: du coup, elle avait droit automatiquement au volet commercialisation de Musicaction. Alexandre (Belliard), lui, a obtenu cette subvention, mais a décidé de faire plutôt un album complet, ce qui coûte plus cher à produire et à commercialiser: ça devait donc être une compagnie de disques qui lui prête de l'argent pour assurer la promotion et la commercialisation de son troisième album. Dans l'état actuel des choses, les compagnies sont plutôt prudentes. L'album d'Alex est prêt depuis quasi un an, mais il l'a finalement produit lui-même en créant sa propre étiquette de disque, avec ses cachets, en collaboration avec les Productions de l'onde (qui appartiennent à Bori). Quant à Joce (Ménard), il avait une bourse du festival de Granby (que Ménard a gagné en 2007) pour lui permettre de faire son album et comme j'étais jury à Granby, il m'a contacté.»

Bref, patience et longueur de temps. Ça tombe bien, de la patience, Éric Goulet en a à revendre. Son premier groupe, Possession simple, a vu le jour en 1988... mais a sorti son premier album quatre ans plus tard! «Ce qui fait qu'on n'a jamais sorti de disque vinyle parce qu'on était en plein boum du CD, alors que j'en rêvais depuis que j'étais kid! Mais aux FrancoFolies, cet été, pour le 10e anniversaire du premier disque des Chiens (qui est son deuxième groupe!), on a sorti en vinyle La nuit dérobée et on a été le troisième meilleur vendeur, après Pierre Lapointe et Yann Perreau! Heille, je viens de sortir mon premier vinyle, à 43 ans!»

Comment explique-t-il qu'on fasse ainsi appel à ses services de réalisateur? «Je ne suis pas là pour voler le show.» Comment fait-il pour qu'aucun des disques qu'il réalise n'ait le même son? «C'est que je n'ai pas vraiment un son.» Qu'est-ce qu'il a alors? «Plusieurs sons, répond-il en riant. Je suis capable aussi bien de faire du trad acoustique que de l'électronique. En fait, quel que soit le genre de musique, j'applique toujours la même routine: quand on m'approche avec des chansons finies et des arrangements, je te «scrappe» tous les arrangements, et on reprend les chansons en mode guitare-voix ou piano-voix, ensuite seulement on construit autour. Car si la chanson ne tient pas le coup sans arrangement, elle ne tiendra pas plus le coup avec des arrangements symphoniques ou des drums, ça ne donnera qu'une mauvaise chanson bien enregistrée.

«Mon travail, reprend-il, c'est aussi de faire comprendre la différence entre le spectacle et le disque, qui ressemble à la différence entre le théâtre et le cinéma: dans le premier cas, il faut qu'on t'entende jusqu'au dernier rang, donc tu projettes; dans le second, tu es en gros plan, il faut donc en faire moins pour obtenir le même effet. Dans le fond, ce que je fais, c'est comme de la mise en scène. Ou plutôt de la mise en disque!»

«Mais le plus important, conclut le «metteur en disque», c'est de travailler avec des gens avec qui je m'entends bien.» Comme il s'entendait bien avec Belliard, Ménard et Micoe, il nous les présente à la page suivante.