Depuis qu'on l'a découvert au Festival de jazz de 2005, Ray LaMontagne s'est gagné chez nous un public fidèle qui apprécie son country-folk mélodique et sa voix prenante. L'artiste un tantinet ténébreux se prête au jeu de l'interview pour répandre la bonne nouvelle: un quatrième album dont il n'est pas peu fier.

Au bout du fil, Ray LaMontagne a la voix lasse. Une voix qui se laisse parfois porter par un élan d'enthousiasme, mais qui donne l'impression que le monsieur, si poli soit-il, préférerait faire autre chose que de répondre aux questions d'un journaliste.

Ray LaMontagne est une drôle de bibitte. Ceux qui l'ont vu en spectacle vous le diront: il s'efface presque derrière sa musique et cette voix qu'il a fort belle. C'est le même bonhomme qui confiait à Elvis Costello, dans son émission Spectacles diffusée le printemps dernier, qu'il était d'abord un auteur de chansons et qu'il se passerait bien de les chanter s'il avait vraiment le choix.

LaMontagne s'anime quand je lui mentionne que Trouble, sa chanson la mieux connue, a été reprise aussi bien par une diplômée de l'émission American Idol (Kelly Clarkson) que par un bluesman aguerri (Lucky Peterson). «Pour moi, c'est réellement gratifiant d'entendre quelqu'un chanter une chanson que j'ai écrite, répond-il. On sait vraiment qu'une chanson est réussie quand d'autres veulent la chanter.»

LaMontagne lui-même a fait sur scène une adaptation très personnelle de Crazy de Gnarls Barkley - en ligne sur YouTube -, un choix pour le moins étonnant. «Je ne suis pas un chanteur soul ou un chanteur country, mais un auteur-compositeur-interprète, dit-il. J'aime tous les genres de musique.»

N'empêche, on soupçonne cet artiste aux racines francophones - «du côté de mon père, ce sont tous des Canadiens français, mais j'ai été élevé par ma mère», précise-t-il - d'avoir plus d'affinités avec la musique country-folk-rock organique de Levon Helm, avec qui il va partager l'affiche pour quelques concerts à l'automne. Surtout que sur son nouvel album, God Willin'&The Creek Don't Rise, LaMontagne a le look typique d'un membre de The Band à la fin des années 60. «J'adore The Band et je continue à être inspiré par la musique qu'ils ont faite, reconnaît-il. Tous les membres du groupe adorent Levon, c'est un héros pour nous!»

En famille

Le groupe en question, The Pariah Dogs, est constitué de musiciens qui accompagnent LaMontagne en tournée depuis quelques années déjà. Mais c'est la première fois qu'il enregistre un album avec tout le groupe et qu'il lui donne un nom inscrit en toutes lettres sur la pochette de son quatrième album. Un disque dont LaMontagne signe lui-même la réalisation après l'avoir confiée au vétéran Ethan Johns pour ses trois albums précédents.

«Nous avons vraiment fait ce disque ensemble, insiste-t-il. C'est très différent d'un disque qu'Ethan et moi aurions fait avec des musiciens de studio en leur disant «voici les chansons, voici les arrangements». Tout le monde s'est approprié ces chansons.»

LaMontagne et ses Pariah Dogs n'ont pas perdu de temps: il a consacré de longues journées à l'écriture des chansons puis les a enregistrées en cinq petits jours à raison de deux par jour. «Je devais respecter un horaire si je voulais faire le disque à ce moment précis avec tous ces musiciens, explique LaMontagne. Donc plutôt que de terminer les chansons quand ça me tentait, j'ai dû être plus discipliné. J'ai beaucoup appris et je pense que ça a donné de meilleures chansons. Personne n'avait entendu quoi que ce soit avant d'entrer en studio. Je suppose qu'on aurait pu passer quatre semaines en studio s'il avait fallu, mais dès la première chanson, Devil's in the Jukebox, c'était pas mal évident que ça fonctionnait.»

Depuis dimanche, LaMontagne poursuit sa «conversation musicale» avec les Pariah Dogs en tournée, mais il ne sait pas encore s'ils s'arrêteront à Montréal. Il avoue que l'expérience lui est plus agréable parce qu'il se sent vraiment en famille.

«S'il m'arrive de manquer de jus, je peux compter sur eux, dit-il. Je me suis toujours trouvé chanceux de jouer avec ces musiciens-là, mais aujourd'hui nous formons vraiment un groupe, nous sommes très proches. Ça tient aussi aux nouvelles chansons: elles sont tellement naturelles qu'elles se jouent toutes seules. Hier (dimanche dernier), j'avais très hâte de les jouer devant un public.»