On ne regarde pas et on n'écoute pas La Mélodie du bonheur avec des yeux et des oreilles d'adulte, estime Robert Marien, qui incarne le capitaine Von Trapp dans la production présentée en version française depuis le 25 juin à la salle Pierre-Mercure. Il n'a pas tort. Renouer avec ces airs, c'est inévitablement retomber en enfance et laisser nos souvenirs remonter à la surface pour mieux se mêler au plaisir obligé qu'on a à les réentendre tant ils sont inscrits profondément dans notre ADN.

Vu la cote d'amour dont jouit cette comédie musicale de Rodgers et Hammerstein, on est porté à croire qu'il faudrait presque faire exprès pour la gâcher. Denise Filiatrault possède les qualités qu'il faut pour monter un tel spectacle à grand déploiement: sensibilité, poigne, envie de plaire et sens de l'à-propos. Elle a de plus rassemblé une distribution sans fausse note, au propre comme au figuré.

Denise Filiatrault, visiblement consciente de la place que l'oeuvre occupe dans le coeur de chacun, a évité de bousculer nos souvenirs. Sa mise en scène est d'un classicisme tout indiqué et se déploie dans un environnement fantastiquement et délibérément factice: des murs qu'on dirait de carton, des costumes archétypaux, une montagne en gazon synthétique et une peinture de décor alpin en arrière-plan. Tout pour faire flotter un parfum de nostalgie.

C'est donc dans ce cadre auquel on croit pour le plaisir d'y croire que se déroule la romanesque aventure de la famille Von Trapp qui, à l'aube de la Deuxième Guerre mondiale, échappe pendant un temps à la menace ambiante grâce au vent de fraîcheur apporté par l'arrivée d'une jeune gouvernante à la bonne humeur contagieuse. Florie Gauthier-Valiquette, dont c'est le premier grand rôle sur scène, est presque parfaite dans le rôle de Maria, si ce n'est un léger manque de nuance qui rend son personnage un peu trop gamin. Son chant, en revanche, est impeccable.

Sur le plan des voix, c'est toutefois celle de Noëlla Huet (Mère Abbesse), qui domine la distribution. La sienne est riche et parfaitement maîtrisée, ce qui lui permet d'avoir un impact inversement proportionnel au temps qu'elle passe sur scène. La Mère Abbesse n'est présente que lors de quelques scènes clés, mais son interprète a quand même été l'une des artistes les plus applaudies à la fin de la représentation.

Robert Marien fait lui aussi belle figure dans le rôle du capitaine Von Trapp, mais après Maria, ce sont bien sûr les enfants chanteurs qui volent la vedette. Tous jouent avec naturel, chantent juste et prennent plaisir à participer au spectacle. Impossible cependant de ne pas souligner la présence adorable de la petite Alexandra Sicard, qui jouait Gretl (la plus jeunes des enfants Von Trapp) lundi soir. Craquante et comique, elle a suscité des rires attendris de la foule par son jeu sympathique et... quelques maladresses.

La Mélodie du bonheur de Denise Filiatrault est de ces divertissements non pas surprenants, mais tout simplement réconfortants auxquels on a peu à reprocher. On n'échappe pas, bien sûr, à quelques scènes au comique trop appuyé qui sont la marque de la metteure en scène. Aussi, au plan strictement technique, le calibrage des micros est à revoir. Le son, correct dans les scènes chantées, étaient si démesurément amplifié durant les scènes jouées qu'on avait l'impression de regarder un film doublé à la télé. Ces détails mis à part, ce spectacle familial remplit ses promesses.

Jusqu'au 21 août à la salle Pierre-Mercure ou au Théâtre St-Denis 1