Pour la deuxième année consécutive, Guy A. Lepage animera le grand spectacle de la Fête nationale au parc Maisonneuve, au coeur du quartier où il est né il y a un demi-siècle. À l'approche de son cinquantième anniversaire, en août, l'animateur, humoriste, acteur, nouveau papa, nouveau restaurateur et futur quinqua, se sent plus jeune et en forme que jamais.

Assis sur la terrasse du nouveau resto qu'il a acheté avec Chantal Fontaine dans le Vieux-Montréal, Guy A. Lepage braque son iPhone sous mon nez. Une photo de Béatrice, sa fille de 3 mois, y apparaît dans toutes ses splendides rondeurs. Papa est si fier de sa progéniture dodue que depuis sa naissance, il l'a prise en photo 440 fois, preuve que dans le travail comme dans la paternité, cet homme ne donne pas dans la demi-mesure.

 

C'est la troisième fois qu'on se rencontre officiellement et d'entrée de jeu, je remarque le changement. Le gars froid, ironique, sans émotion apparente, l'espèce de machine de calculs et de détermination, s'est détendu, s'est attendri, s'est humanisé.

Peut-être est-ce l'approche des vacances et le répit salutaire que Lepage trouve chaque fois qu'il sort du tunnel de Tout le monde en parle, après six mois de vie de couvent. Ou peut-être est-ce la satisfaction de voir qu'il est plus en demande que jamais, non seulement pour animer des grands événements comme le spectacle de la Fête nationale, mais aussi au cinéma où l'acteur qui sommeille en lui vient d'être sollicité deux fois plutôt qu'une. D'abord pour L'appât, comédie policière où il partagera la vedette avec Rachid Badouri et dont le tournage débutera en août. Puis pour Bossé, histoire fictive du plus grand magouilleur financier du Québec moderne.

Renoncer à la jeunesse

Mais peu importe les raisons, Lepage affiche ces jours-ci une sérénité et un optimisme qui n'ont pas toujours été son lot. Il y a sept ans, avant qu'on ne lui propose d'animer Tout le monde en parle, Lepage avait 43 ans et la certitude qu'il était un has been.

Le succès de l'émission l'a apaisé pendant un temps, avant que le poids de ses responsabilités et de son âge se mette à le miner. Il y a deux ans, Lepage déclarait à qui voulait l'entendre qu'il se sentait vieillir et que ça le faisait chier royalement. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, au contraire: «Depuis que j'ai renoncé à la jeunesse et arrêté de me mesurer à des petits jeunes qui ont la moitié de mon âge, ça va mieux dans ma tête. Je me suis remis à m'entraîner. J'ai un petit bébé qui me met de bonne humeur. J'ai plein de projets dont une série télé en développement à Radio-Canada. Je suis un des artistes les plus choyés du milieu, alors oui, tout va bien, et je n'ai aucune raison de me plaindre.»

Sur le réseau Twitter, dont il est un membre actif et très suivi (par environ 18000 abonnés), Lepage a inscrit récemment «Ne m'invitez pas pour la Saint-Jean le 24, je travaille». La plupart des abonnés ont compris la blague, mais pas tous. Certains ont répondu que c'était impossible qu'il travaille vu que le 24 était férié. Lepage a décidé de ne pas répondre, chose qu'il fait de plus en plus souvent.

Dernièrement aussi, à cause d'une erreur du réseau, son numéro de portable qu'il avait envoyé en message direct a été diffusé à tous les abonnés. Trois autres messages directs et personnels ont subi le même sort. Lepage n'a pas apprécié, mais il n'a pas renoncé à Twitter pour autant. Il a seulement changé de numéro de portable et fait maintenant preuve de la plus grande prudence quand il rédige ses 140 caractères.

Ni sectaire ni dogmatique

La prudence est aussi de mise lorsqu'il est question de la Fête nationale. La dernière chose dont Lepage a envie, c'est de passer pour un sectaire et un dogmatique, fermé aux idées différentes des siennes.

Le 24 au soir, il insistera sur l'importance de valorisation du français comme langue commune, mais sans faire de déclaration de guerre. «Je tiens pour acquis que les gens savent à quelle enseigne je loge, mais je ne veux surtout pas que les gens qui ne pensent pas comme moi se sentent méprisés ou jugés. Le seul moment où je deviens impitoyable, c'est face à la stupidité d'un argumentaire. Un souverainiste qui dit des niaiseries sur le vote ethnique, c'est inacceptable. C'est de l'amertume mal digérée. On ne peut pas mettre les échecs du passé sur le dos des gens du présent.»

Dans le même souffle, Lepage avoue qu'il aurait aimé être aussi bilingue que ses parents, qui ont travaillé en anglais au sein d'entreprises anglophones, toute leur vie. «À 35 ans, je parlais anglais comme un charretier. Mais en tant qu'humoriste travaillant au Québec, ça ne me posait aucun problème. C'est en allant vendre Un gars, une fille à travers le monde, que j'ai compris que mon anglais était poche et qu'il fallait que je l'améliore. Aujourd'hui, je parle anglais correctement, mais je regrette de ne pas l'avoir mieux appris avant.»

Reste que le 24 juin, Lepage veut que le français résonne haut et fort sur scène. Il a convaincu Jonas de chanter en français, et il aurait aimé en faire autant avec Simple Plan. Des pourparlers ont eu lieu avec le groupe pour qu'il vienne chanter en français, mais un conflit d'horaire a empêché le projet de se concrétiser.

L'animateur n'a pas vu le reportage de Catherine Kovacs sur les programmes Musique et chansons, où les cégépiens boudent le français et choisissent majoritairement d'interpréter des chansons en anglais. Mais il a sa petite opinion sur le sujet: «Quand une jeune fille de 18 ans affirme à la télé que le français, c'est plate, je me dis que ses parents ont fait une mauvaise job et que ses profs et le système d'éducation lui ont mal vendu l'importance de notre langue.»

Tel père, tel fils?

Difficile de ne pas lui servir sa propre logique une demi-heure plus tard, quand nous parlons de son fils Théo qui ne partage pas précisément ses aspirations souverainistes. Est-ce parce que papa a mal fait sa job?

«Théo a des parents souverainistes. Il a été élevé dans la fierté du Québec et le nationalisme. Maintenant si, à un niveau politique, il n'y a pas de leaders capables de porter et d'incarner ces idées-là, je n'y suis pour rien. Ce que Théo et sa génération voient, ce sont des vieux politiciens qui s'échangent le pouvoir alors que ma génération à moi a eu droit au plus bel alignement possible avec René Lévesque, Lise Payette et tous les autres. J'ai beau faire des farces sur le fait que j'ai un fils fédéraliste et néolibéral, je sais que mon fils est un être intelligent, qui réfléchit beaucoup et qui se pose des questions. Il est à l'âge où il doit trouver ses propres repères. Cela dit, il va venir fêter la Saint-Jean avec moi.»

L'animateur avoue qu'au spectacle de la Fête nationale l'an dernier, il a trop parlé et qu'il a «peinturé le spectacle de messages». «Cette année, je vais en faire moins et tâcher d'être plus précis. Twitter m'a appris la précision et l'efficacité et le fait qu'en 140 caractères, tu peux être brillant comme tu peux te mettre dans la marde.»

Autant dire que Lepage préfère être brillant.

Contrairement à tous ceux qui sont fiers d'être Québécois une fois par année, le soir du 24 juin, Lepage affirme qu'il est fier à longueur d'année. Les sondages récents qui indiquent que la souveraineté est en chute libre le laissent froid. Il dit que ça fait des dizaines de fois que la fin de l'option souverainiste est annoncée et que cette fin n'arrive jamais.

«Nous avons la chance de vivre dans un pays où il n'y a pas de violence. C'est normal que nos révolutions soient tranquilles. C'est notre paradoxe. Nous sommes un peuple paisible. Ma seule inquiétude, c'est qu'on manque de vigilance et qu'on finisse par s'endormir.»

Chose certaine, Guy A Lepage ne risque pas de s'endormir avant le 24 juin, ni après au demeurant. Le sommeil semble avoir été inventé pour tout le monde sauf lui.

Le spectacle de la Fête nationale au parc Maisonneuve, animé par Guy A. Lepage, sera présenté le 24 juin, 21h30, au parc Maisonneuve. Invités: Paul Piché, Yann Perreau, Marie-Mai, Marie-Élaine Thibert, Les Trois Accords, Dumas, Luck Mervil, Dubmatique, Jonas, Marc Béland, Les Porn Flakes et Les Tireux d'roches.