À la fin de 2009, Martha Wainwright a donné naissance à son premier enfant et le mois suivant, elle a perdu sa mère, Kate McGarrigle. Son album de chansons d'Édith Piaf, qu'elle voyait comme un entre-deux il y a à peine un an, a pris une autre signification alors qu'elle s'apprête à le chanter au Mondial choral.

Martha Wainwright sait que son concert de chansons de Piaf n'a pas fait l'unanimité aux FrancoFolies de 2009. Elle avait accepté spontanément cette invitation tout de suite après avoir enregistré son disque devant un public restreint dans une petite boîte de New York. Aujourd'hui, elle reconnaît que ce concert n'était «pas terrible»: elle n'avait pas eu suffisamment de temps pour s'y préparer et son indispensable pianiste Thomas Bartlett n'était même pas de la partie.

 

Peut-être aussi y a-t-il eu méprise sur les intentions de Martha qui, elle l'avait pourtant dit, ne voulait pas tant ressusciter Piaf que puiser dans certaines de ses chansons moins connues une émotion que la fougueuse chanteuse se savait capable de rendre. Martha n'est pas une spécialiste de Piaf, qu'elle a connue par les disques de la collection de sa mère que lui a fait découvrir son frère aîné Rufus. «J'étais pas mal influencée par les goûts de mon grand frère, dit-elle. Il m'a fait écouter beaucoup de choses très intéressantes qui m'ont vraiment formée.»

Quand le réputé réalisateur de disques Hal Willner lui a proposé de chanter Piaf, elle a d'abord refusé. La Môme était trop connue et Martha n'avait aucunement l'intention de faire une imitatrice d'elle-même. «Plein de chanteuses françaises pourraient le faire beaucoup mieux que moi», a-t-elle dit à Willner. Mais celui-ci a insisté: il voulait justement une chanteuse qui y mette l'effort, quitte à trébucher sur les mots.

«Je continue à lire les paroles en chantant, avertit Martha. Pour me rappeler de l'importance de la poésie, en particulier devant des spectateurs anglophones pour qui je traduis des bouts de phrases. Et puis c'est difficile pour moi de chanter en français. Tu ne veux surtout pas me voir sur scène sans les paroles, ça va être pire!» dit-elle en riant.

La chanson de Kate

L'album Sans fusils, ni souliers, à Paris est disponible en édition canadienne depuis cette semaine. Le concert Piaf à la salle André-Mathieu, le 24 juin, sera le prélude d'une tournée qui nous la ramènera en septembre.

Martha et ses musiciens seront accompagnés de choristes sur une chanson de Piaf et deux de Kate McGarrigle: Cheminant à la ville et surtout Proserpina, la toute dernière qu'a écrite la mère de Martha et Rufus et qu'elle a chantée avec eux au Royal Albert Hall de Londres un mois avant de mourir. «Elle savait que c'était son dernier spectacle, ça paraissait, se souvient Martha. Juste avant, elle était sur un sofa et ne pouvait pas bouger, mais une fois sur scène, elle y a mis tout son être. Elle a été formidable.»

Martha a chanté Proserpina à Londres le week-end dernier, dans un spectacle auquel participaient plein d'artistes, dont Rufus et leur tante Anna McGarrigle. «J'ai pleuré sur scène et c'est quelque chose que je n'aime pas faire, confie-t-elle. Comme c'était un concert en hommage à ma mère, il fallait bien que quelqu'un pleure à un moment donné.»

Londres n'est pas seulement la ville de son dernier concert avec sa mère, mais aussi celle où est né son fils Arcangelo deux mois avant terme. Comme elle devait rester avec son fils, Martha n'a pu venir voir sa mère que quelques heures, deux jours avant son décès. «Avant le bébé, je serais peut-être tombée dans l'alcool et les drogues, mais quand ton enfant est dans l'incubateur, que tu ne sais pas ce qui va lui arriver et que t'es pas avec ta mère quand elle meurt, il faut que tu sois forte. C'était dommage de dire au revoir à ma mère alors qu'elle était dans le coma. Je lui ai juste demandé de m'accompagner dans mes voyages et j'espère qu'elle m'a entendue.»

Les événements de la dernière année l'ont forcée à ralentir la cadence, ajoute Martha. L'album de Piaf, qui était pour elle un entre-deux avant un nouveau disque de chansons de son cru, a pris une autre signification. Elle aimerait enregistrer éventuellement la musique qu'elle a écrite pour un ballet du chorégraphe Christopher Wheeldon dont elle a participé à la création à Central Park, en août 2009.

«De toute façon, si je recommence à écrire maintenant, les larmes se mettent à couler dès que je prends ma guitare, dit-elle. Il faut que je trouve la métaphore juste pour exprimer mes émotions sans être redondante, ni trop déprimée ou déprimante. Ça va prendre un peu plus de temps.»

Puis elle ajoute: «C'est drôle parce que même si je ne voulais pas jouer Piaf à la manière d'une comédienne, quand je chante ses chansons, elle arrive aussitôt dans la salle, en esprit. Je pense qu'il va se passer la même chose avec l'esprit de ma mère en faisant ce spectacle. J'ai hâte.»

Martha Wainwright à la salle André-Mathieu, le 24 juin, 19h30.