L'auteur, compositeur et interprète Christophe Miossec revient au Québec présenter Finistériens, son septième album conçu et coréalisé par l'ami Yann Tiersen, qui déploie des musiques rock aussi fragiles que les mots de celui à qui on attribue, aux côtés de Dominique A, l'arrivée de la «nouvelle chanson» française.

Détendu et affable, Miossec parle avec douceur de son coin de pays qui a inspiré le titre de son nouvel album. Le Finistère, département breton du bord de mer, le point le plus à l'ouest de la France.

 

«Ça fait longtemps qu'on voulait faire quelque chose ensemble, Yann [Tiersen] et moi, raconte Miossec. On est natifs de la même ville, Brest.»

Finistériens, donc. Moins une déclaration nationaliste - Miossec n'est pas tellement féru des drapeaux, encore moins ceux qui volent durant ses concerts... - que l'affirmation d'un attachement à cette région où il a choisi de s'installer il y a trois ans, lui qui semblait toujours être sur le qui-vive et la tête dans ses valises.

Le septième album de Miossec est un pur bijou et Tiersen, un orfèvre de talent qui a couché des musiques en phase avec le ton et le texte du chanteur. Il a tout fait, Tiersen, ou presque, la moitié des musiques étant écrites par Miossec. «Un disque fait en binôme», comme il dit. Chanson rock pleine de langueur, aux arrangements aérés et spleenesques, pleins d'imperfections auxquels on s'attache. Autant qu'aux mots réfléchis et parfois graves, inquiets, de l'auteur.

«Ce qui est bien avec Yann, c'est que rien n'a besoin de passer par la parole.» Et donc d'être planifié avant d'enregistrer. «Ça nous tombait dessus, au moment de faire les chansons. Ça ne m'a pas tout à fait étonné ce qu'a fait Yann, répond Miossec. Je le connais depuis un moment, après tout. Yann, il est comme ça, lorsqu'il voit un instrument, il saute dessus. C'est vraiment un cas à part, ce gars. J'ai pris mon pied juste à le regarder - je veux dire, il me faisait rire parce qu'il était super sérieux en studio, très concentré; moi, je me marrais.»

Les chansons, elles, ne laissent pas vraiment deviner l'atmosphère détendue et rigolote qui devait régner, lors de l'enregistrement, dans le studio de Tiersen à Paris. Amours qui naissent et qui meurent, les deux mamelles de la chanson. D'autres retiennent notre attention, comme CDD, «pour contrat à durée déterminée», regard acerbe sur le monde du travail. Une chanson dans l'air du temps.

«C'est la fragilité du travail, explique-t-il. En CDD, tu as des contrats renouvelables. Lorsque c'est le cas, t'es obligé de t'aplatir devant le patron. Tu ne peux pas te syndiquer, rien faire. Tous les jeunes en ce moment en France sont en CDD. C'est super un contrat comme ça, pour te faire fermer la gueule, y a pas mieux.»

Façon lucide et originale d'aborder la crise économique: «Ce qui est bien de la crise, c'est que l'indécence, on peut la voir juste un peu.» Tout en nuances, sur un sujet précis, loin des prises de positions tranchées et manichéennes d'une autre époque.

«Les chansons politisées, c'est super dangereux, dit l'homme de gauche. J'ai vu trop de chanteurs protestataires faire la morale pendant une heure et demie en concert, puis se comporter comme des crapules ensuite. Léo Ferré, lorsqu'il est venu en concert à Brest, c'était la Fédération anarchiste qui l'invitait. Des potes à moi. Or, à sa venue, il a demandé la couleur de la Mercedez qui viendrait le chercher à l'aéroport... Tu prends une claque lorsque tu apprends ça.»

Miossec, en spectacle ce soir, 21h, au Métropolis; programme double avec Vincent Vallières.