«La musique devrait créer des ponts, pas les briser», lance à La Presse le promoteur israélien Shuki Weiss. Il se désole que les Pixies, Klaxons et Gorillaz aient annulé leur concert au festival Pic.Nic de Tel-Aviv à la suite du récent raid israélien contre la flottille de la paix.

Aucun des trois groupes n'a motivé officiellement sa défection, mais il semble s'agir d'une réponse au raid.

D'autres artistes boycottent quant à eux ouvertement Israël. Le mois dernier, Gil Scott-Heron, Carlos Santana et Elvis Costello ont annulé leurs concerts pour protester contre Israël. «Le simple fait d'avoir mon nom associé à un concert pourrait être interprété comme un geste politique», a dit Elvis Costello sur son site internet. Le quotidien israélien de centre-gauche Haaretz a qualifié ces décisions de «pathétiques».

Le phénomène n'est pas nouveau, rappelle en interview Patricia Hall, éditrice du mensuel universitaire Music and Politics. «Après la Seconde Guerre mondiale, Arthur Rubinstein a boycotté l'Allemagne. Et des artistes ont aussi boycotté l'Afrique du Sud durant l'apartheid.»

C'est inspiré par ce dernier mouvement que le chorégraphe palestinien Omar Barghouti dit avoir fondé en avril 2004 le Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel (PACBI).

Madonna, Elton John, les Rolling Stones, Lady Gaga et plusieurs autres n'ont pas cédé à ses pressions, mais d'autres, comme Brian Eno et Jane Fonda, se sont joints au mouvement. U2 et Björk ont quant à eux annulé des concerts sans donner de raisons officielles.

Un mouvement s'organise aussi au Québec. L'hiver dernier, 500 artistes québécois ont donné leur appui à la campagne Boycottage, désinvestissement et sanctions contre l'apartheid israélien. Parmi les signataires : Richard Desjardins, Yann Perreau, André Turpin, Gilles Vigneault ainsi que des membres de Think About Life, Silver Mt. Zion, la Patère Rose et les Clues.

Le boycottage d'Israël est-il juste ? Efficace ? MM. Weiss et Barghouti sont en total désaccord.

«Je ne vois pas d'artistes retirer leurs disques des étalages. S'ils vendent leurs disques ici, pourquoi y aurait-il une différence avec les concerts ?» demande Shuki Weiss. Il estime que les fans sont injustement pris en otages. Selon lui, les artistes opposés à la politique israélienne devraient plutôt profiter de leur concert pour s'exprimer devant les électeurs locaux.

Complicité

Un tel geste serait «noble», reconnaît Omar Barghouti, qui milite néanmoins pour le boycottage. «Jouer dans un État comme Israël, qui pratique l'occupation, la colonisation et l'apartheid, ne peut être considéré comme une action purement artistique. Peu importe les intentions de l'artiste, il s'agirait d'une forme de complicité», explique-t-il à La Presse. Séparer complètement l'art de la politique est impossible, soutient-il. «C'est une position anhistorique ridicule.» Il ajoute que le boycottage est utile : «Il fait d'Israël un paria.»

Certains cherchent une voie médiane. En septembre dernier, le PACBI a voulu empêcher Leonard Cohen de donner son premier concert en Israël depuis plus de 34 ans. Le Montréalais s'y est néanmoins rendu. Il a versé les profits au Fund for Reconciliation, Tolerance and Peace, créé pour l'occasion. Il a aussi proposé de jouer à Ramallah, mais la chose n'a pu se concrétiser.

En 2006, malgré les pressions du PACBI, Roger Waters avait donné un concert au Neve Shalom («Oasis de paix»). Ce critique du mur de Cisjordanie avait déclaré en 2006 au journal britannique The Independent : «Je suis heureux de jouer devant tous ceux qui croient à la paix.»