La première fois que j'ai entendu Philémon chanter, c'était il y a cinq ans, sur une scène extérieure des FrancoFolies. Il venait alors de remporter le gros prix de Petite-Vallée, renommé festival gaspésien. Dès les premières mesures, cette écriture frappait l'esprit et le plexus solaire. Cette voix que brisent des émotions puissantes. Ces mots simples et gracieux. Cette envergure. Cinq ans plus tard, réapparition. Et la première impression était la bonne.

La mère de Philémon Bergeron-Langlois est écrivain jeunesse, son père est agronome de formation, épidémiologiste de profession, clarinettiste de coeur. Le frère de Philémon est musicien classique dans un orchestre américain.

 

Puisqu'il vient de lancer ses Sessions cubaines à compte d'auteur, Philémon me fait face en ce matin de juin. Ce qui frappe de nouveau chez ce jeune homme de 27 ans au physique délicat, c'est la fibre sensible. Le sens artistique. L'intelligence du regard. Le talent.

Le récit de sa trajectoire nous apprend qu'il provient d'une famille l'ayant encouragé à être ce qu'il est en train de devenir, soit l'un de nos créateurs de chansons sur lesquels il faudra compter.

Dès l'âge de 17 ans, Philémon Bergeron-Langlois avait l'indépendance d'esprit pour se barrer en Inde plusieurs mois. Lorsqu'il est rentré à Québec, là où il a grandi, il est allé vivre chez ses grands-parents paternels. Au cours de cette période de transition entre l'adolescence et l'âge adulte, il a vécu un deuil inattendu. Le choc a généré une chanson magnifique: Le canon de grand-maman.

Déjà, ce garçon ne craignait pas l'expression de ses émotions les plus profondes. Philémon ne craignait pas non plus la grande ville qu'il a choisie plus tard.

«J'avais envie de vivre dans une plus grosse ville. Je voulais du neuf. Vu qu'il y avait plus de musique à Montréal, je croyais qu'il serait plus simple d'y avancer mais... Ça n'a pas été le cas. Je ne savais pas dans quel sens aller, j'ai essayé des affaires... Et pas mal tout a foiré.

Il a ensuite étudié un an en littérature comparée. «C'est quand j'ai lâché les études que je me suis mis à travailler super fort sur mes chansons. Je me suis dit que je ferais trois ans de musique et verrais bien ce qu'il se passerait. Ces trois années se sont conclues Noël dernier. J'ai réalisé que je ne m'arrêterais plus.»

Pourquoi Cuba?

Sans contrat avec une étiquette, sans soutien sauf quelques bourses de subsistance, Philémon a roulé sa bosse en sourdine. Au bonheur du hasard, je l'ai croisé il y a quelques mois. Il m'a raconté avoir enregistré et autoproduit son premier album à La Havane, dans le fameux studio Egrem où naquit le Buena Vista Social Club à la fin des années 90. Au fait, Philémon, pourquoi Cuba?

«Ce n'était pas le plan de départ. En fait, je suis parti pour changer d'air, à la suite d'une peine d'amour. Je suis arrivé à La Havane, je me suis installé dans El Vedado. J'ai commencé à chercher des musiciens, puis j'ai reçu un courriel de Mélissa Lavergne, la percussionniste de BelleetBum dont le prof de percussion cubaine était Rolando Salgado Palacio. Ce dernier m'a alors présenté un trompettiste, une chanteuse, un contrebassiste, un joueur de tres. De La Havane, j'ai aussi contacté mon cousin pianiste qui vit au Mexique. Il est finalement venu me rejoindre quand j'ai su que le studio Egrem pouvait m'accueillir deux jours. Entre-temps, j'ai repéré un violoniste qui s'est aussi joint à nous.»

Quelques répétitions préparatoires, deux jours de studio, peu de prises de son. Et voilà que Philémon chante - une expression maintenant consacrée - un album loin d'être parfait, mais un album de grande intimité, très touchant, avec plein de petits défauts qui ne font que souligner la force et la grandeur des sentiments qui y sont exprimés.

«Tout y est lié à l'amour. Relations amoureuses, amour de ma grand-mère disparue, etc. C'est vrai, ma voix n'y est pas toujours juste. On est d'ailleurs tous un peu faux dans cet album. Mais je réécoute et j'aime. Entre la justesse de l'émotion et la justesse de la voix chantée, je préfère celle de l'émotion.»

Philémon chante, en spectacle sur la scène Loto-Québec le 15 juin, 22h.