Étoile montante de la scène underground londonienne, David Cunningham, alias Actress, vient de lancer un second album de rythmes enfouis sous un nuage de smog, tel Montréal se réveillant brusquement au milieu de la nuit avec des odeurs de fumée. Entrevue avec un peintre déçu devenu musicien, à l'affiche du programme dubstep/post-dubstep demain soir à la SAT et qui met également en vedette les Britanniques King Midas Sound et Ikonika.

«En spectacle, je ne joue pas tant des compositions que je joue une atmosphère, dérivée du matériel que j'ai enregistré, ou sur laquelle je travaille présentement et qui finira par voir le jour. C'est un mood, un assemblage de formes musicales, ou quelque chose du genre.»

 

Il se faisait tard à Londres au moment du coup de fil transatlantique. Cunningham, aussi patron du label Werk (qui a édité l'excellent album de Zomby, Where Were You in '92?), se reposait chez lui. Déjà, il songeait à la petite tournée qui l'amène chez nous, mais aussi à Boston et New York, où il n'a joué qu'une seule fois auparavant.

Cunningham confirme l'impression que nous laisse son travail: un musicien qui, par sa démarche et son discours articulé sur l'art, se démarque des courants dominants. Il est aussi un pur produit de son époque et de sa géographie.

«Je comprends qu'on m'associe à la scène dubstep, mais ma musique n'en est pas vraiment. Plutôt une sorte de mélange de danse électronique, de dance musique intelligente. D'ailleurs, je pense que le terme dubstep est de moins en moins juste, dans la mesure où cette scène a tellement progressé depuis qu'elle est née.»

Une musique d'abord difficile d'approche, qui se glisse sous la peau à force d'écouter: «C'est ce que j'aime de la musique, réagit-il. On l'écoute, on passe à autre chose. Puis on y revient et il semble qu'elle ait encore quelque chose à livrer. Je pense que la musique doit être capable d'avoir une longue durée de vie. Mon premier album a été enregistré sur une période de quatre ans.»

Hazyville

Pour rester dans le thème du smog, rappelons que le premier album d'Actress, paru en 2008, s'intitulait Hazyville - ville de brume. La signature sonore semblait déjà bien installée. Musicalement, Cunningham s'inspire de la techno classique de Detroit, de l'IDM classique britannique (vieux Autechre, Aphex Twin et cie), le R&B des années 80, l'acid house, le chiptune, mais il triture, torture, étouffe ces références sous des couches et des couches de filtres qui tamisent et édulcorent.

«Je conçois et fabrique la musique un peu lorsque si je peignais ou dessinais», explique celui qui, après avoir abandonné les arts plastiques, s'est intéressé au travail de Matisse, Monet et Francis Bacon. «Ma musique est une impression, pour ainsi dire. Je peux marcher dans la rue, et m'inspirer de ça. Dans ma musique, il y a ce côté brumeux, totalement intentionnel. Ma technique de composition n'est pas traditionnelle, elle mélange tout en même temps. Ça crée cet effet.»

Et Actress d'ajouter: «J'essaie seulement de repousser les limites de ce que je peux faire, d'être aussi original que possible. C'est si difficile aujourd'hui, avec toute cette musique qui peut être consommée, d'arriver avec un son singulier, un son qui nous est propre». Splazsh, son plus récent album, à peine moins brumeux, nous permet de croire qu'il y parviendra.

 

CE SOIR à mutek

MUTEK accueille deux groupes vétérans qui, chacun à leur manière, ont façonné les contours de la musique électronique. À 19h30 au Monument-National, l'événement A/Vision2 met en vedette les Britanniques de Nurse With Wounds, un groupe qui compte une trentaine d'années d'expérimentations sonore, électrique et électronique. Groupe phare du courant industriel et noise, Nurse With Wounds possède cette qualité hypnotique dont raffolent les tympans musclés. Freida Abtan et The Caretaker se chargent des premières parties.

Le Métropolis, lui, sera le théâtre de la soirée Nocturne2, à compter de 22h. En tête d'affiche, le duo Mouse on Mars qui, depuis 1993, s'amuse à mélanger les sonorités rock et électroniques d'une manière qui a depuis été maintes fois imitée. Également à l'affiche, le Montréalais Mossa (au Savoy), Nathan Fake (du label britannique Border Community), Jon Hopkins et Chris Hreno, entre autres.