Le 11e festival MUTEK débute ce soir avec, entre autres, une soirée offerte par le Chilien Matias Aguayo et sa bande de locos qui transformeront la SAT en une fête de rue électro métissée à Santiago ou Buenos Aires. Bienvenue dans l'univers des soirées Bumbumbox.

«Ces fêtes, explique Aguayo dans un excellent français, on les organise dans des espaces publics qu'on investit, tout ça pour nous ouvrir à un public moins familier avec la musique électronique en général. À travers ça, on a trouvé matière à inspiration, on a créé beaucoup de musique.»

Lors de ces fêtes, rien n'est vraiment laissé au hasard, sinon les rencontres musicales à proprement dit, qui virent en jams collectifs hautement improvisés auxquels participent des collègues musiciens du Chili, d'Argentine, du Brésil, de la Colombie et du Mexique.

«On a pris conscience de la nécessité d'organiser de tels événements, non seulement pour présenter la musique à un plus grand auditoire, mais aussi pour nous réunir, les créateurs» d'Amérique latine. «Et tout ça dans un contexte qui invite à danser», insiste-t-il.

L'organisation des soirées Bumbumbox, elle, est bien régie, de la sono à la décoration, minutieusement élaborée par le graphiste/décorateur en chef du collectif. «C'est tout ça qu'on essaiera de reproduire à Montréal». La SAT aura des airs de carnaval électro!

Et la musique dans tout ça? Dur à dire. Faut-il prendre pour exemple le diffus mélange des genres qu'on découvre sur l'étonnant plus récent album d'Aguayo, Ay Ay Ay? «Oui et non, répond le producteur et DJ. J'imagine qu'on peut aisément entendre ce genre de productions dans les soirées Bumbumbox, mais ça ne veut pas dire qu'elle est représentative de ce qu'on y joue. S'il fallait décrire la musique de ces fêtes, je dirais que c'est de la house, mais pas dans le sens strict du genre musical; plutôt un esprit, une vibe

Vétéran de l'écurie allemande Kompakt, Matias Aguayo (qui produit aussi sous le nom Closer Musik, avec Dirk Leyers) a lancé l'automne dernier son deuxième album, probablement l'un des plus étranges du catalogue de ce vénérable label de Cologne.

Ses matériaux sonores sont principalement les voix - la sienne, celle de ses amis, recyclées en sons percussifs et en lignes de basses, ainsi que le tambour, pour faire des chansons fébriles qui se meuvent sur des rythmiques house aux couleurs latines et africaines.

Sur Ay Ay Ay, Aguayo joue les funambules, en équilibre sur de multiples références musicales, il ne tombe jamais dans la catégorisation. Du house et du techno qui l'ont fait connaître, il n'en garde que la cadence, rigide. De la cumbia, il n'extrait que le son de l'accordéon, découpé puis rapiécé sur ses grooves.

«Ce n'est surtout pas un croisement volontaire, disons, prendre une cumbia traditionnelle et l'interpréter à la manière de la musique électronique. Ça pourrait être une ligne de basse inspirée du house, mais jouée différemment, elle ressemble à de la samba, ou un rythme afro-latin. Ces références sont totalement inconscientes», dit-il.

Ses chants, parfois mélancoliques, parfois complètement loufoques. «Oui, j'imagine que ça peut être perçu comme de l'humour chilien», concède-t-il. Ils auraient pu être puisés dans le répertoire traditionnel. «J'ai tout composé moi-même, mais il ne faut pas chercher à comprendre: parfois, je chante n'importe quoi», prévient Aguayo.

«Ay Ay Ay est le fruit du travail que j'ai fait avec Cómeme et les fêtes Bumbumbox, mais il n'en est pas la représentation. S'il est le reflet de quelque chose, c'est la liberté et le plaisir de faire de la musique. Je fais de la musique pour rester jeune, pour garder vivante notre jeunesse, pour me souvenir de mon enfance. Et je fais de la musique pour les autres, autant que pour moi. C'est d'ailleurs très latino-américain, par opposition à la musique européenne, où composer est un processus parfois solitaire et éminemment personnel. Chez nous, on fait la musique pour plaire aux autres.»