À l'instar de Mutek, les Suoni Per Il Popolo fêtent leurs 10 ans cette année. Du 6 au 26 juin, le petit festival poursuit sa démarche iconoclaste, bon an, mal an.

L'an dernier, lorsqu'on a fait l'annonce que les FrancoFolies, grand happening montréalais consacré à la chanson francophone, seraient déplacées en juin 2010, les organisateurs des Suoni ont songé à bouger.

 

«Nous y avons longuement réfléchi et nous avons décidé de ne pas le faire. Primo, c'est notre dixième anniversaire et notre public est habitué à nous fréquenter en juin. Secundo, d'autres festivals montréalais sont tenus pendant tous les mois que nous aurions choisis. Nous ne voulions marcher sur les pieds de personne. Enfin, il nous semblait préférable de présenter les Suoni en juin... tout simplement parce que c'est tellement beau l'été à Montréal! Pas question de se retrouver en octobre ou en mars», explique Steve Guimond, directeur artistique des Suoni Per Il Popolo.

Grosso modo, le petit festival montréalais sera présenté essentiellement dans ses lieux «naturels», c'est-à-dire la Sala Rossa et la Casa Del Popolo - auxquels s'ajouteront sporadiquement le Il Motore et le Club Soda. On espère y comptabiliser quelque 10 000 entrées payantes, en misant sur un modeste budget d'environ 200 000$. Les promoteurs de l'événement ne sont pas absolument certains de rester en juin au terme de leur 10e anniversaire, mais tout semble indiquer qu'ils ne bougeront pas non plus en 2011.

«On verra bien, mais je peux dire que tout s'aligne sur cette perspective. J'observe déjà que notre prévente des billets va bon train, que l'intérêt soulevé par les Suoni nous semble même un peu plus élevé qu'il ne l'a été au cours des années précédentes. Il faut dire que notre public est assez différent de celui des FrancoFolies, et même du Festival de jazz.»

On peut comprendre Steve Guimond: la présence de la chanson francophone est infime aux Suoni, dont les orientations esthétiques se résument en un cocktail de musiques d'avant-garde - jazz contemporain (très peu présent au Festival international de jazz de Montréal), avant-rock, bruitisme, musiques électroniques, etc.

«Ainsi, ajoute le directeur artistique, notre public fidèle sera de nouveau servi. Et il ne faut pas oublier que plusieurs de nos habitués ne sont pas de Montréal; ils viennent d'ailleurs pour y entendre nos exclusivités. Avec les Francos et le FIJM, donc, il n'y pas de recoupements autant qu'il n'y paraît. Par contre, nous sommes conscients du risque de perdre de l'attention médiatique.»

Dans ce nouveau contexte, les Suoni ont tout de même dû raccourcir un tantinet la durée de leur événement et y concentrer davantage de matière sonore. «En moins de journées, souligne Steve Guimond, on offre une programmation aussi chargée.»

Pour leur 10e présentation, en fait, les Suoni misent sur l'expertise acquise en une décennie. «Bien sûr, reprend le directeur artistique, il y a des noms qui reviennent et qui sont très appréciés de notre public. Par exemple, le contrebassiste William Parker et le percussionniste Hamid Drake présentent leur trio avec le saxophoniste Kidd Jordan. De Chigago, le saxophoniste Ken Vandermark revient avec deux projets: le bien connu Vandermark Five et le nouveau Frame Quartet. Notre plus gros coup en matière de jazz contemporain est la venue du légendaire Globe Unity Orchestra. Par ailleurs, certains musiciens de renom comme Matthew Shipp (qui s'amène avec son nouveau trio), offriront des ateliers aux musiciens intéressés.

«Dans le domaine électronique, nous voulions faire venir William Basinski depuis trois ou quatre ans et nous avons réussi. Ce compositeur vient de l'underground, mais il s'inscrit également dans les grands courants de la musique contemporaine. Il est parmi les plus influents à ce titre.

«Nous sommes également très fiers d'organiser une soirée NoFun. No Fun, c'est un festival tenu à Brooklyn depuis quelques années et aussi une étiquette de musique gérée par Carlos Giffoni, d'origine vénézuélienne, et avec qui nous avons des affinités certaines. D'autres villes accueillent également des sélections de ce festival No Fun. Véritable snap shot d'avant-garde!»

Les Suoni Per Il Popolo seront présentés à Montréal du 6 au 26 juin prochains. Pour infos: www.casadelpopolo.com/suoniperilpopolo

 

TROIS SUGGESTIONS

Soirée No Fun

12 juin, 20h30, Sala Rossa

Concentré du festival très branché No Fun, que présente à Brooklyn l'artiste électronique et producteur Carlos Giffoni, cette soirée réunira plusieurs groupes de son choix: Hair Police, dont la propension à la réverbération peut faire effectivement dresser les cheveux des forces de l'ordre; C. Spencer Yeh, alias Burning Star Core, violoniste à la tête d'une formation free noise; Noveller, projet sonore de la réalisatrice de films Sarah Lipstate; Oneothrix Point Never, magma de drone, prog et techno; Le Révélateur, maelström de nostalgie psychédélique.

William Basinski

13 juin, 20h, Sala Rossa

Compositeur de formation classique, William Basinski a d'abord été influencé par les grands compositeurs minimalistes tel Steve Reich, mais aussi par le design sonore de Brian Eno. Ce n'était qu'un point de départ. Avant de s'installer à Los Angeles, il a organisé des soirées new-yorkaises avec entre autres Anthony (and the Johnsons), Diamanda Galas, The Murmurs. Depuis plus d'un quart de siècle, ses fresques sonores ont fait école dans l'underground. William Basinski partagera le même programme que Discpline X et Expo 70.

Globe Unity Orchestra

20 juin, 20h, Sala Rossa

En 1966, le pianiste allemand Alexander Von Schlippenbach fut invité à créer une oeuvre de free jazz pour un grand orchestre de 14 musiciens. Globe Unity fut ainsi présenté aux Berlin Jazz Days. En 2010, c'est-à-dire 44 ans plus tard, le Globe Unity Orchestra réunit encore plusieurs de ses membres de l'époque et non moins légendaires, dont le saxophoniste Evan Parker, le trompettiste Manfred Schoof et le batteur Paul Lovens. Cette institution du jazz contemporain est plus qu'attendue.