Stephen Barry a vite su qu'il serait bassiste et bluesman et il n'a jamais changé de cap, si bien qu'aujourd'hui, le band qui porte son nom fête son 35e anniversaire: une rareté.

Stephen Barry avait 17 ans quand il a eu sa première basse électrique: une imitation japonaise de la Fender Bass, achetée pour 17$ au livreur de l'épicerie, au coin de la 45e à Lachine.

 

Paul Butterfield, un harmoniciste blanc, avait formé son premier blues band et s'apprêtait à se joindre à Bob Dylan. Ici, avant Expo 67, une partie de la jeunesse montréalaise syntonisait WKBW de Buffalo où, par soirs clairs, on pouvait entendre les nouvelles chansons de Booker T&the MG's et des Beatles. Deux ou trois semaines avant qu'elles n'arrivent au hit parade de CKVL, la grosse station de Verdun.

À McGill, où il étudie les sciences et la littérature, Stephen Barry, fils d'ingénieur, fait toutes sortes de rencontres: Chaim Tannenbaum, le guitariste Jörn Reissner, qui deviendra son mentor, Andrew Cowan, son comparse de toujours. Barry devient même président de la McGill Jazz Society, bien qu'il n'entende rien au jazz. Mais il se souvient être allé voir le multi-instrumentiste Roland Kirk au Rockhead's Paradise, rue Saint-Antoine. «On était les seuls Blancs dans la place... Ça fait qu'on restait tranquille à écouter cette musique qui me dépassait.»

Stephen Barry (prononcé «Stee-ven») est déjà dans le blues - Howlin'Wolf, Muddy Waters - idiome qui, sous une forme ou une autre, deviendra sa musique et sa vie. Il donne son premier vrai show au Club nautique de Drummondville avec Reissner et le Backdoor Blues Band. «On pensait jouer pour les membres du Club mais on s'est retrouvés devant une gang de motards, dans un shack sur le bord de l'eau. On s'est dit: «Ils vont nous planter, c'est sûr...» On a commencé avec un slow blues et, à la fin, ils étaient tous debout!»

Plus tard, Barry remplace le bassiste d'un groupe de bluegrass qui doit enregistrer une émission pour CBC Radio. Il s'agit en fait du contrebassiste... «Je n'avais jamais même touché une basse à cordes: ouf! Sur une basse électrique, si tu manques une note, la frette va te sauver. La contrebasse, elle, n'a pas de frettes: il faut jouer toutes les notes exactement à la bonne place.»

Le nouveau contrebassiste fait vite corps avec l'instrument et se dote bientôt d'une contrebasse Kay modèle M-1 de 1939, une grande année, comme 1959 pour les bordeaux rouges. «Je l'ai payée 350$, archet inclus. C'était beaucoup d'argent à l'époque.»

Un soir de 1975, après avoir revu son pote Barry dans un bar, Tannenbaum dit: «Formons un band!» Okay... Les boys ne veulent pas d'un nom genre Electric Yellow Toaster... Le groupe prendra le nom de l'un de ses membres... et ce sera le Stephen Barry Band qui, sept disques, vingt musiciens et trente-cinq ans plus tard, fonctionne toujours sous ce nom: une belle réalisation en soi.

«Les gens parlent souvent du Stephen Barry Blues Band, mais le mot blues n'est jamais apparu dans le nom même si c'est ça qu'on fait», rappelle Stephen Barry, qui ne prend pas la part habituelle du band leader: dans le SBB, les profits ont toujours été divisés à parts égales, par six à un moment donné, maintenant par quatre. Andew Cowan (guitare), Jody Golick (saxo), Gordon Adamson (drums) «and, on bass, Mr. Stephen Barry!».

Ce quartette à costard - le SBB joue du blues propre - assurera la première partie du spectacle anniversaire de samedi prochain, à l'Astral. Les invités viendront ensuite: le guitariste Gilles Sioui de Wendake , un ancien du band; Joel Zifkin, le violoniste du clan McGarrigle-Wainright; Suzie Arioli qui a gardé les petits Barry avant de devenir une vedette; Jordan Officer que M. Barry accompagne sur son premier CD (éponyme), lancé le mois dernier.

Et peut-être le guitariste de 7 pieds Jörn Reissner: «Depuis dix ans, il dit à tout le monde qu'il ne joue plus», dira son ancien pupille Stephen Barry qui, lui, espère jouer encore dans dix ans. Et dans vingt ans....

Spectacle 35e anniversaire du Stephen Barry Band, samedi 22 mai à l'Astral.