Seuls les vétérans mélomanes se souviennent du dernier passage à Montréal de la légendaire formation post-punk/post-rock Public Image Ltd, pilotée par l'inénarrable John Lydon, mieux connu sous son nom de scène Johnny Rotten, à l'époque où il hurlait dans le micro des Sex Pistols. Toujours virulent, Lydon/Rotten revient à la scène avec son ancien groupe pour collecter son dû. Que ses contemporains en soient prévenus.

Coup de fil à la chambre d'hôtel de Sir Rotten. On décroche: «Hello!?» crie-t-il. Pas de doute, c'est bien lui. «Tu patientes un instant, je vais me verser une tasse de thé...»

 

Sitôt revenu, le bouillant chanteur lance la conversation. En fait, c'est presque toute l'entrevue qu'il dirige, ce moulin à paroles qu'on attrape au bon moment.

En verve et drôle, spirituel même, mais cinglant, le légendaire personnage est visiblement ravi du succès que remporte la présente tournée de PiL, de retour sur scène après 17 ans d'inactivité.

«Chaque fois que je remonte sur scène, je suis heureux et extatique. Cette tournée, c'est comme une récompense, après 30 ans de labeurs. Les gens commencent à comprendre ce qu'était exactement Public Image, c'est pour moi un exploit. D'autant que j'ai entièrement financé cette tournée. Pas un seul sou des compagnies de disques là-dedans.»

Ils sont nombreux à avoir compris ce qu'était exactement PiL: un véritable projet créatif pour John «Rotten» Lydon, qui a amorcé sa carrière artistique par un retentissant «Bang!» en 1976 lorsque Malcolm McLaren l'a repéré dans la rue et lui proposa de devenir chanteur d'un groupe au nom poétique qu'il montait: Sex Pistols. «Oui, j'ai eu de bons mots pour McLaren, parce qu'on ne peut dire du mal d'un mort. Mon père est mort récemment, je sais comment c'est dur pour sa famille. Cela dit, je trouve ça dommage que je ne puisse plus l'insulter - à quoi bon, il ne l'entendra pas!»

À sa dissolution en 1978, Lydon, fan avoué de reggae et de krautrock, s'allia au bassiste Jah Wobble pour fonder PiL, groupe aux nombreuses incarnations - «plus de 40 musiciens ont joué là-dedans», signale le vieux punk - qui a pondu deux classiques: First Issue (1978) et Metal Box (1979).

«Et ceux qui n'ont pas compris ce qu'est PiL sont tous ces musiciens qui ont essayé d'imiter mon son durant ces 30 dernières années - et tu les connais, ces imitateurs, ils inondent les palmarès. J'en ai soupé de tous ces voleurs!»

Si on «imite» le son PiL, c'est qu'il a marqué son époque, en proposant sa propre vision du rock, une musique quasi tribale, avant-gardiste et viscérale (dans ses premières années, en tout cas), rageuse et engagée. Prenant position contre l'apartheid (Rise, de l'album Album, 1986), contre le capitalisme en général, contre la religion catholique en particulier (Religion I et II sur First Edition), Lydon prouvait que même hors des Pistols, sa langue de vipère trouvait un salut. «J'ai pourfendu l'Église il y a 30 ans, je me souviens du bruit que ça avait créé dans les médias. Je ne l'ai pas fait pour ça, mais parce que j'ai été élevé comme enfant de choeur, je me souviens de la terreur des prêtres. Ça m'a marqué, tout jeune. Et là, 30 ans plus tard, l'Église est dénoncée.»

«Défendre les victimes, où qu'elles puissent se trouver, c'est ça l'inspiration. We're socialism on the move», dit le citoyen britannique, résident de la Californie depuis quelques années. «Aujourd'hui, je me considère comme un Américain, et la politique ici me fascine profondément. Je ne voterai pas aux élections britanniques, mais j'ai toujours voté. Je suis un libéral. Ça m'amuse d'ailleurs que les républicains tentent de discréditer Obama en le traitant de socialiste, alors qu'il devrait prendre ça comme un compliment. Burning Spear l'a bien dit: We all know, social living is the best. De sages mots!»

Revenons à sa musique: «Les Sex Pistols, c'est là que les portes se sont ouvertes, c'est mon héritage, commente Lydon. Mais Public Image est un meilleur groupe. C'est pour ce projet que j'ai composé mes meilleures chansons, des chansons plus personnelles, plus raffinées, plus détaillées et qui ont plus de sens. J'ai commencé avec les Pistols, le groupe le plus influent des 30 dernières années, et le deuxième plus influent, c'est PiL: je m'en sors assez bien!

«À ceux qui pourraient croire que je suis arrogant, je leur dis: oui, je suis arrogant... and I've got every fucking reason to be!»

PiL, ce soir, 20h30, à l'Olympia.