«Dans ce projet, le groupe entier est très solidement connecté avec ma musique. Même si je l'ai écrite, la force de mes musiciens réside d'abord dans leur capacité à improviser autour. Chacun a des oreilles formidables.»

Pour Chet Doxas, l'improvisation est peut-être la carte maîtresse de son Big Sky, album lancé ce soir à la Sala Rossa. Elle sert néanmoins une musique entièrement originale dans laquelle se fondent cet excellent saxophoniste montréalais, son frangin Jim Doxas à la batterie, le contrebassiste Zack Lober, ainsi que le guitariste Benoît Charest, fils prodigue de la chose jazzistique.

«J'ai longtemps aimé jouer les standards, admet le saxophoniste. Parce que tous les musiciens de jazz les connaissent, parce que tous peuvent prendre encore plus de risques à partir de cette connaissance intégrée, mais... depuis une période récente, j'en joue moins. À la longue, j'ai eu tendance à trop essayer d'en respecter l'esprit originel.»

Chet Doxas, qui complète sa troisième décennie d'existence en 2010, est certes l'un des plus accomplis saxophonistes du jazz montréalais, québécois ou canadien. La période des standards, on s'en doute bien, est derrière lui.

«Au Bistro Duluth, j'ai longtemps eu cet engagement régulier avec Jim et Zack. Ce fut pour nous l'occasion de prendre des risques avec les standards de jazz, apprendre le répertoire... et notre métier. Or, aujourd'hui, je ne jouerais plus ces standards de la même manière; j'ai maintenant l'impression que ces pièces nous dictent de quelle manière elles doivent être interprétées.

«C'est pourquoi je trouve plus intéressant de construire mes propres compositions, afin d'y développer ma propre voix, dans les structures comme dans les improvisations. Ma priorité, en somme, est d'exprimer quelque chose de personnel. Afin que le public puisse s'identifier à ma musique, en ressentir les émotions spécifiques et reconnaître mon propre son.»

Voilà ce que Chet Doxas a voulu réaliser avec Big Sky, qui met de l'avant trois musiciens soudés depuis l'adolescence. «Zack, mon frère et moi allions tous à cette école secondaire de Pointe-Claire (Lyndsay Place High School) où mon père (George) était professeur et responsable du programme de musique. Il a aussi un magnifique studio et organise les concerts au Centre Segal - Jim et moi, d'ailleurs, y jouerons en septembre prochain avec le guitariste John Abercrombie.

«Zack, indique en outre son employeur, vit à New York, ses affaires vont très bien là-bas; il est (entre autres) devenu contrebassiste régulier dans l'ensemble du saxophoniste David Binney. Mais il revient régulièrement à Montréal, d'autant plus que ses parents y vivent - il vient de Dollard-des-Ormeaux. Quant à mon frère Jim, il est le plus occupé des batteurs de jazz que je connaisse - Oliver Jones, etc.»

À ce trio parfaitement soudé se joint un musicien de taille, nul autre que le guitariste Benoît Charest dont le passé n'est pas connu de tous: avant de devenir compositeur célèbre pour ses musiques de film (Triplettes de Belleville, etc.), il fut un de nos meilleurs guitaristes de jazz.

«Lorsque j'étais très jeune, se souvient Chet Doxas, j'allais l'entendre et l'admirer à l'Air du temps. Il était plus proche du fusion à l'époque, sa musique a beaucoup changé depuis. Ben est un des meilleurs musiciens que je connaisse. Ses musiques de film sont toujours très spéciales, bien au-delà des Triplettes, et que dire de son talent de guitariste. Polyvalent, il se trouve parfaitement à l'aise dans plusieurs contextes, dont le mien. Je suis très heureux et d'autant plus honoré qu'il ait participé à mon album.»

Alors, Chet? Il faut maintenant convaincre Ben de poursuivre, n'est-ce pas?

«C'est ce que tout le monde me dit! Et c'est mon plan. Il n'y a pas de conflit apparent entre son travail de compositeur et celui de musicien de jazz, enfin c'est ce que je crois. Ainsi, nous allons tourner ensemble cet été au Canada, l'automne prochain également. Nous serons aussi à l'Astral le 28 juin prochain dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal. Nous irons même en Europe à la fin de l'année.»

Mais commençons par le commencement: ce soir, un quartette des plus redoutables s'apprête à modifier le paysage jazzistique montréalais. Big Sky, faut-il espérer, n'est que l'apéritif.

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Chet Doxas lance son nouvel album (Big Sky, étiquette Justin Time) et son nouveau quartette ce soir, 20 h, à la Sala Rossa.