Yannick Duguay, alias Le Husky, revient à l'avant-scène avec l'album La Fuite, deux ans après avoir anesthésié de ses mots sombres et refrains tristes les amateurs de chanson par son premier effort, le bien nommé Chanson moderne pour cynique romantique. Et La fuite? Chassées, les idées noires. Quoique...

«Ce n'est pas la Compagnie créole», tempère Duguay, lorsqu'on évoque la - comment dire? - exubérance de son nouvel album, La fuite. Certes, nulle part sur cette collection de 10 nouvelles chansons, on ne trouve de quoi faire rire les oiseaux et chanter les abeilles. La facture musicale, elle, ainsi que les thèmes abordés, ont cependant tendance à changer le mal de place.

«En faisant de la musique, on essaie d'accéder à une certaine vérité, dit-il. Or, on ne peut pas fuir ce qu'on est, au fond de soi. Si ce spleen-là est bien enfoui quelque part, c'est inévitable, ça va se retrouver dans mon travail, que ce soit dans les textes ou dans la musique. Quand même, je crois que le spleen sur mon nouvel album est, disons, moins dérangeant pour la personne qui écoute.»

«Il y a plus de chances qu'on ait envie de mettre ce disque en recevant à souper», ajoute Le Husky.

Chanson moderne pour cynique romantique diffusait un malaise saisissant, c'était à la fois la force et la faiblesse de l'album. Peine d'amour, crise du coeur et de l'âme, allusions même à la mort, au suicide. Chanson pop tout en ombres, en mélodies langoureuses, Duguay lui-même ne sachant pas chanter autrement. Malaise dans le texte, dans la fragilité de son interprète, sa voix sobre et solennelle qui parle dans une poésie qui n'avait rien à cacher. Le malheur, limpide.

Sur La fuite, on est ailleurs. Duguay, d'abord, a fait le ménage dans ses cafards, il a lui-même le sentiment d'avoir tout évacué sur ce premier album: «Je ne voulais pas me répéter et refaire un album comme le premier. Peur de rester dans les mêmes souffrances. Le premier disque en était un de mal de vivre, où je parlais d'une période de ma vie qui commençait à dater. Ce n'était pas l'actualité, mais c'était important pour moi de sortir ces chansons quand même. Après, il faut parler d'autre chose.»

Duguay met en scène la vie des autres sur La Fuite. La vie, et les mots aussi des autres, Apollinaire (sur Si je mourais là-bas) et ces collaborateurs qui lui ont prêté des rimes, le collègue Alexandre Champigny, l'auteure Marie-Hélène Poitras, entre autres.

En fait, c'est à se frotter au talent de ses collaborateurs que ce nouvel album a pris du corps. Vincent Blain (complice du Navet Confit, et du groupe L'Indice) assure la réalisation: «J'ai donné carte blanche à Vincent, lui ai laissé toute la liberté, justement pour qu'il puisse m'emmener ailleurs. Je savais de toute façon qu'il n'allait pas dénaturer mon travail. On a des goûts semblables», comme le David Bowie de l'époque Low «pour le son des drums» - soit dit en passant, David Bowie est le titre d'une chanson du premier disque de Duguay -, et Fever Ray. «Il devait y avoir plus de synthétiseurs au départ, mais j'avais envie de garder les guitares. On a laissé tomber...»

Fanny Bloom et Kilojules, de La Patère Rose, viennent prêter main forte: «On est un peu dans le même univers musical, la Patère et moi - sinon qu'ils sont pas mal plus joyeux...» Plus robustes, les chansons de La Fuite se dressent, doucement mais avec assurance, gonflées par une batterie assez présente, par des synthétiseurs qui se faufilent sur presque toutes les chansons de l'album.

«Sur le premier disque, j'étais assez vert. À force de donner des concerts, de côtoyer des musiciens, t'apprends ton métier. La différence entre les deux disques, c'est la confection. Ça a tellement bien été en faisant La Fuite, que je n'ai qu'envie de retourner en studio pour enregistrer un troisième album.» Des ébauches de chansons sont déjà prêtes, mais certainement pas assez pour être présentées cet été, lorsque Le Husky se produira aux Francos, en programme double avec Tricot Machine.

Avec Tricot Machine? Drôle de copinage: l'un qui broie du noir, les autres qui font la ronde avec leurs refrains accroche-coeurs. «Sur scène, les nouvelles chansons poussent au dynamisme. On a déjà donné quelques spectacles, c'est plus rock; même les chansons du premier album ont pris du corps, sur scène».

Un Yannick Duguay nouveau (ou presque), qu'on vous dit.

***

EN UN MOT

Yannick Duguay, dit Le Husky, revient après deux ans d'absence avec un album moins torturé que ses précédents.