Imaginons un instant Tracy Chapman, mais en homme, plus précisément en Européen, à la peau blanche et qui chanterait en français des chansons aux couleurs afro-caribéennes. Bon, c'est clair, elle ne s'appellerait pas Tracy Chapman. Mais bien Christophe Maé.

Parlons chiffres: le Français Christophe Maé a vendu, en 2007, 1,6 million d'exemplaires de son premier disque (Mon paradis) et un million de billets de spectacles en France, principalement à un public adolescent. Son deuxième disque studio, On trace la route, frôle les ventes de 250 000 exemplaires depuis sa sortie en France le 22 mars dernier (plus 150 000 ventes en téléchargement, paraît-il), et est distribué ici depuis quelques jours. On vous épargne sa longue tournée à venir, avec cinq soirs au Zénith de Paris (6300 sièges) et un soir à Bercy (17 000 sièges)?

 

Oublions les chiffres et passons aux mots: si une certaine critique le traite de haut, le journal de gauche L'Humanité, qui soutient plutôt les chanteurs «à message» et abhorre habituellement la «variétoche», l'endosse: soulignant le caractère festif et fédérateur de ses musiques world, la publication précisait il y a peu que «Christophe Maé n'est pas ce qu'on appelle un chanteur à textes engagés. Il incarne le désir de vivre d'une jeunesse inquiète de son avenir. Alors, faisons la fête avec lui pour mieux se préserver d'un futur incertain.»

«C'est vrai que je ne prétends pas transmettre des messages, convient le chanteur de 34 ans en entrevue téléphonique, où il révèle un charmant accent du sud de la France. Moi, reprend-il, tout ce que je veux, c'est donner la banane aux gens» Ou, si vous préférez, les faire sourire, les faire rêver, en bon français international.

«Le fait que j'ai des rythmiques chaloupées, un côté positif dans la musique, me permet justement de parler de thèmes un peu plus lourds, un peu plus profonds, précise-t-il . Je ne fais là rien de bien original: depuis toujours, tous les chanteurs africains et caribéens parlent de souffrance et d'espoir dans leurs chansons, mais en faisant danser, non?»

Cet amour de la musique africaine lui vient d'un père mélomane, qui écoutait Brel et Brassens, mais aussi Salif Keita, Youssou N'Dour («Je viens de chanter avec lui à l'émission Taratata et c'était vraiment une belle rencontre!»), Touré Kunda («Dans les pianos-bars, j'ai repris sa chanson Emma pendant des années et ça marchait très bien!»)...

Le chanteur, que le grand public a découvert à la faveur de la comédie musicale Le Roi Soleil en 2005, a décidé de joindre son amour de l'Afrique à l'agréable en allant visiter le Sénégal, avec sa guitare. «J'avais tout simplement envie de découvrir un peu de ce continent, de pouvoir mettre des images sur la musique que j'aime depuis si longtemps. Plusieurs de ses textes sont d'ailleurs inspirés de ce voyage, quand ils ne sont pas signés Boris Bergman (parolier notamment de Bashung) et Diam's. Comment s'est fait la rencontre avec la rappeuse? «Je l'ai croisée à Bercy pour un spectacle, on a fait une chanson ensemble, on s'est lié d'amitié. J'aime beaucoup son style d'écriture, sa façon d'exprimer le ras de bol avec ironie.» Ça a donné la chanson Je me lâche sur ces moments où la réalité nous sature un brin.

Ici, sa chanson Dingue, dingue, dingue a été intégrée timidement à la programmation des radios commerciales, mais on est fort loin de l'engouement français. Est-il tout de même question d'un spectacle au Québec, un jour? «Pas pour le moment, répond Christophe Maé, mais j'aimerais vraiment beaucoup: j'ai été trois jours à Montréal (vers 2007) pour chanter et enregistrer The Show Must Go On (du groupe Queen) avec Céline Dion, et j'ai vraiment aimé!»