Avec la simplicité piano-voix, Arthur H n'en est pas à ses premières fréquentations. En 2002, il a déjà lancé un enregistrement public en soliloque et présenté plusieurs concerts de la sorte. Il remet ça en 2010: une tournée suit la sortie de Mystic Rumba, soit 24 chansons réparties sur deux CD, pour la plupart enregistrées en solo.

Les séances ont eu lieu cet hiver à La Fabrique de Saint-Rémy de Provence, soit dans un ancien moulin à huile reconverti en studio.

 

«Ça fait partie d'un mas rempli de fantômes très intéressants, explique Arthur. Ce mas a appartenu à un collectionneur de musique classique, on y trouve d'ailleurs la plus grosse collection de vinyles de musique classique d'Europe, et aussi une énorme collection de livres sur le cinéma. Vraiment un endroit magique. C'est un de ces lieux anciens où, dès que tu y mets les pieds, tu t'y sens bien physiquement. Les plafonds sont hauts, les pièces sont vastes... Un endroit vraiment loin du stress de la vie actuelle.»

Pendant une dizaine de jours, donc, l'artiste a travaillé avec un piano sur lequel il avait «flashé» à Paris et que le propriétaire du studio a pu acheter.

«L'instrument est arrivé au studio un jour avant que j'y vienne, d'ailleurs avant une énorme tempête de neige totalement québécoise! En pleine Provence, j'ai été bloqué 24 heures sans électricité, des arbres se sont écroulés. Du coup, c'était marrant!»

Pour chacune des séances quotidiennes, Arthur allumait deux bougies qui lui rappelaient les gens qu'il aime. Au programme de Mystic Rumba, il a prévu peu d'inédits et surtout des relectures de ses chansons qui se prêtent le mieux à cette forme dénudée.

«Soleil d'hiver et Trois petits nains, explique-t-il, ont été créées à Noël. Les autres (L'Égyptienne du Molino et Tout ce qui était perdu) sont des chansons que j'aimais beaucoup, mais que je n'ai jamais eu l'occasion d'enregistrer. Si j'avais eu le temps, remarquez, j'aurais bien aimé faire un disque d'inédits au piano, mais je n'avais pas ce temps. Ce n'est donc pas l'amorce d'un nouveau répertoire pour un prochain album; ces chansons inédites avaient été écrites spécialement pour le piano, alors que je compte retourner à une énergie beaucoup plus rock.»

Émotion limpide

D'ici cette date indéterminée, Arthur H ne craindra pas la solitude sur scène, une solitude qu'il partage avec son public depuis février déjà, dans le cadre d'une tournée amorcée en France et qu'il poursuit au Québec. Et qu'il a envisagé avec assurance.

«Je suis un grand garçon, j'ai mangé beaucoup de soupe, rigole-t-il avec le ton de pince-sans-rire qu'on lui connaît. Quand je m'installe sur mon tabouret de piano, je me sens très solide. Je peux m'abandonner à toutes les émotions qui me traversent, ça m'est égal d'être faible, d'être fort...

«Dans un concert solo voix-piano, il doit y avoir obligatoirement des moments d'énergie, des moments magiques, et aussi des moments de n'importe quoi où c'est complètement libre, où ça déconne même. Sur scène, je peux raconter une histoire délirante dans un univers complètement fantaisiste. En studio, cependant, j'avais l'idée de m'introduire chez les gens avec quelque chose de très doux, de très caressant, relativement mélancolique. Il n'y a pas de belle musique sans qu'elle soit un peu poignante. Moi-même, j'étais très ému lorsque j'ai enregistré ce disque.»

Pour Arthur H, le critère premier de Mystic Rumba, en studio comme devant public, est la limpidité de l'émotion.

«Il faut tout de suite installer une atmosphère émotionnelle, un impact dramatique. Vous savez, je suis revenu récemment d'une tournée dans le Caucase (Arménie, Géorgie, Istanbul) où j'ai joué devant des étrangers. Ils ont ressenti toute l'émotion de mes chansons sans même en comprendre les textes. C'est ça qui m'intéresse. Que des étrangers puissent ressentir sans comprendre la langue. La musique francophone doit aussi retrouver cette dimension-là. Si on ne fait que de la musique pour nous, ça ne suffit pas.»

Il lui faudrait peut-être en causer à sa jeune demi-soeur Izia, fille de papa Jacques (Higelin) qui chante en anglais, mais bon, ce n'est peut-être pas le moment de le lui suggérer...

«Cet automne, reprend Arthur dans le même ordre d'idées, j'ai participé à un hommage à Jacques Brel à Londres. Lorsque tu interprètes Brel avec un grand orchestre, tu es tout de suite saisi par la force dramatique de la chanson. Et c'est pour ça que les Anglais aiment toujours Brel... et qu'ils ignorent Vincent Delerm ou Bénabar.»