L'icône folk canadienne Gordon Lightfoot a été victime d'une mauvaise blague, il y a un mois: l'annonce de son décès, répandue sur Twitter, reprise par la chaîne Sun Media pendant quelques heures jusqu'à ce que l'information soit démentie. From coast to coast, on a entendu un gros «ouf!» collectif. Toujours vif, sur scène et en entrevue, Lightfoot nous offre un peu de sa sagesse durement acquise avant son concert de jeudi, à la Place des Arts.

«J'étais dans ma voiture lorsque j'ai appris la nouvelle de ma mort, à la radio, raconte l'auteur-compositeur. J'ai appuyé sur la pédale de gaz - la première chose que je me suis dite, c'est: «Il faut que je trouve un téléphone!»» Gordon Lightfoot a alors pris contact avec une radio de Toronto pour rassurer ses fans qu'il était toujours de ce monde. «Depuis, j'emprunte cette phrase à Mark Twain: The report of my death was an exaggeration...»

Les nombreux fans du vétéran auteur, compositeur et interprète avaient raison de s'inquiéter. À cause de son âge respectable - Gordon Lightfoot aura 73 ans cet automne -, mais surtout de sa santé fragile, le musicien a souvent suscité l'inquiétude. Il y a un peu plus de trois ans, l'ex-alcoolique a subi une crise cardiaque (mineure, heureusement) sur scène. Une dizaine de jours plus tard, il poursuivait tout de même sa tournée.

70 concerts par année

Lightfoot, c'est un répertoire de classiques de la pop folk des années 60 et 70 - qu'on pense aux Sundown, If You Could Read My Mind ou The Wreck of the Edmund Fitzgerald, pour ne nommer que les plus célèbres. Mais c'est surtout une véritable histoire d'amour avec son public. Qu'importe les soucis, le musicien n'a jamais voulu s'éloigner de la scène: «Je donne 70 concerts par année!» dit-il.

«Malgré tout, je suis toujours nerveux lorsque vient le temps de remonter sur scène. Mais je suis bien préparé: avant chaque tournée, je répète avec mes musiciens», dit-il de cette voix grave et posée aussi caractéristique du personnage que sa célèbre moustache.

Chose troublante que d'entendre la voix de Lightfoot à travers sa discographie. Le trémolo assuré et naturel, le timbre cuivré et vigoureux de ses débuts, durant les années 60, lorsque nul autre qu'Albert Grossman, célèbre imprésario de Bob Dylan, l'a mis sous contrat. Quelques années plus tard, durant sa «deuxième carrière» sous l'étiquette Reprise (Warner), la voix est déjà considérablement transformée, plus grave, plus rocailleuse.

La plume, elle, n'a jamais changé. L'art de raconter simplement des histoires souvent complexes. Une poésie du quotidien qui touche immanquablement. Un sens de la mélodie affirmé. Des chansons, ce type-là en a pondu de sacrées belles, qu'ont chantées Elvis, Dylan, Barbra Streisand, Johnny Cash, on en oublie.

«On ne sait jamais quelle chanson sera la bonne, dit Lightfoot. Il faut en écrire tout un tas avant d'en faire une que les gens aimeront. Parfois, on le sait tout de suite: Sundown, j'étais certain que c'en était une bonne. If You Could Read My Mind, je n'en étais pas du tout sûr. D'ailleurs, elle a marché seulement huit mois après la sortie du disque (Sit Down Young Stranger, paru en 1970 et sur lequel joue Ry Cooder).» Un échec à sa sortie, le disque a même été rebaptisé du nom du succès (tardif) pour que les ventes puissent décoller. Pari gagné.

Copiste de partitions au début des années 60 à Toronto, Lightfoot a enregistré ses premiers titres en 1962. Le musicien fait partie de ces pionniers du renouveau folk populaire. En plus d'être l'une des premières stars anglo-canadiennes à avoir obtenu la reconnaissance internationale, il a constamment représenté la culture anglophone de son pays. Ce pays, d'ailleurs, il ne l'a jamais quitté «parce que mes amis et ma famille étaient tous à Toronto. J'aurais pu m'installer longtemps en Europe (où il a été animateur d'une émission de country-folk à la BBC) ou aux États-Unis, mais je suis bien chez moi.»

«J'ai toujours été fier d'être un ambassadeur de la culture de mon pays. J'ai toujours pris ce rôle avec beaucoup de conviction et d'enthousiasme. Oh yeah, no problem there