À la blague, L'Astral pourrait bien être rebaptisé ce soir Les deux Sylvain. Deux guitaristes de même prénom y monteront sur scène, mais sans le mandat d'amuser les touristes férus de «joie de vivre» québécoise comme c'est le cas d'un lieu incontournable du Vieux-Montréal.

Vous vous en doutez bien, les deux Sylvain n'ont pas choisi cette avenue du divertissement: Sylvain Luc est l'un des très grands guitaristes du jazz français, Sylvain Provost est l'un des plus éminents guitaristes du jazz québécois. Voilà toute une rencontre qui coiffera la dixième présentation de Jazz en rafale.

 

Bien qu'il fasse partie de l'élite jazzistique mondiale, Sylvain Luc n'est pas un puriste. Longtemps, il a accompagné des noms de la chanson française avant de mener une carrière essentiellement jazzistique.

«La première fois que je suis venu chez vous, ce fut pour Les Romantiques de Catherine Lara. C'était en 1993; c'est alors que j'ai découvert les guitares Godin. Puis, je suis revenu au Québec avec Michel Jonasz; après quoi, Robert Godin m'a organisé une tournée de concerts-ateliers. Je suis repassé chez vous avec le violoncelliste Eric Longsworth, plus récemment avec Billy Cobham, Didier Lockwood et Victor Bailey dans le cadre du Festival de jazz de Montréal», résume le musicien d'origine basque.

Parmi ses activités professionnelles en France, Sylvain Luc travaille beaucoup en solo (pour vous en convaincre, écoutez son double CD Standards, étiquette Dreyfus) et en duo avec les guitaristes manouche Biréli Lagrène et belge Philip Catherine. Aux côtés du batteur André Ceccarelli et du contrebassiste Jean-Marc Jafet, il forme le trio Sud. Et participe actuellement à un projet avec des percussionnistes iraniens, le violoniste Didier Lockwood et le contrebassiste Thomas Bramerie.

La particularité du jeu virtuose de Sylvain Luc, c'est qu'il use des deux techniques; hormis la guitare électrique à cordes de métal qu'il triture allègrement, le musicien joue avec les cinq doigts de la main droite pour ainsi tirer le meilleur de guitares à cordes de nylon. «En fait, explique-t-il, j'ai fait de la guitare classique pendant très longtemps. Je joue sur toutes sortes de guitares. Je fais tout quoi! La technique, vous savez, importe peu. Pourvu qu'on essaie d'exprimer quelque chose.»

Une idée avec laquelle l'autre Sylvain est parfaitement d'accord. «La première fois que j'ai vu Sylvain Luc, se souvient-il, c'était au Café Campus en 1999, il faisait une présentation des guitares Godin. On avait discuté... Ses solos étaient incroyables!»

Sylvain Provost, un virtuose très ouvert d'esprit et qui n'est pas non plus un puriste du jazz, se passe de présentation. Sa feuille de route est aussi impressionnante; on se rappellera qu'il a jadis parcouru le monde avec la troupe La La La Human Steps, et ce, avec une approche guitaristique beaucoup plus rock. Au début de sa carrière, le musicien originaire des Laurentides avait fondé le Saint-Jovite Quartet avec le guitariste Alain Juteau, le bassiste Norman Lachapelle et le batteur Alain Boyer, qu'on retrouve sur le plus récent album de Provost, Désirs démodés, lancé en juillet 2009, étiquette Effendi.

«Alain Bédard, le propriétaire du label, me parlait depuis des années d'une rencontre avec Sylvain Luc. Un jour, il m'a dit que ça se ferait. Nous y sommes!»

Autour de standards, la conversation improvisée entre les deux Sylvain risque d'être fertile en rebondissements. « La meilleure rencontre possible avec un musicien, conclut Sylvain Luc, c'est de partager les notes. Les sourires, la complicité, la relation humaine émergent par la même occasion. Et ça, on ne peut en prévoir la nature exacte.»

Sylvain Luc et Sylvain Provost se produisent ce soir, 19h, à l'Astral. Le duo sera précédé du trio du pianiste montréalais (d'origine cubaine) Rafael Zaldivar.