Le rap français tourne peut-être au ralenti, mais pas lui. Son album Mes repères s'est écoulé à 200 000 exemplaires dans l'Hexagone. Cinq de ses chansons tournent à la radio commerciale. Et son plus récent mixtape, Capitale du crime, est dans le top 3 des ventes CD en France. Rencontre avec Laouni Mouhid, alias La Fouine, un «rebeu» de la zone devenu riche et célèbre.

La Presse: C'est un drôle de nom, La Fouine. Ça vient d'où?

La Fouine: C'est le nom que les grands du quartier m'ont donné quand j'étais petit. Parce que je venais toujours fouiner dans leurs affaires.

Q: Vos années de délinquance. Vous avez fait pas mal de taule entre 16 et 21 ans. Pourquoi?

R: La première fois, c'était pour une attaque à main armée. J'ai pris sept mois. Ensuite trafic de stupéfiants. Séquestration. Des erreurs de jeunesse. Quand t'es petit à Trappes (banlieue parisienne), tu mesures pas l'étendue des dégâts. Tu vois le frigo vide. C'est galère. Tu cherches des solutions.

Q: Aujourd'hui que votre frigo n'est plus vide, vous vivez toujours à Trappes?

R: Non. J'ai travaillé toute ma vie pour en sortir. Dès que j'ai eu assez de fric, j'ai déménagé dans un quartier plus tranquille, mais toujours dans le département 78. Je l'ai fait pour ma fille. Je ne voulais pas qu'elle passe par les mêmes histoires que moi. Et ça, ça commence par l'environnement.

Q: Et le problème des banlieues en France. Où en est-on?

R: C'est toujours la crise. Les jeunes cherchent du travail ils n'en trouvent pas. Parce qu'ils sont black ou arabes, ils n'ont pas le bon niveau d'études. Quand ils ne sont pas en prison, ils sont dans le hall (de leur immeuble) et vendent du crack. De la coke. Les médias sont partis, mais c'est encore la merde. Les politiciens sont payés pour trouver des solutions. Mais ils ne font que s'enrichir.

Q: Le rap, c'est une solution?

R: Pour changer les choses, je ne sais pas. Mais si tu peux améliorer la vie de quelqu'un le temps d'une chanson, c'est déjà ça. Moi, mes chansons racontent les histoires des jeunes du quartier. Ce qu'ils mangent, boivent, écoutent. Leur mode de vie. Leur rapport à l'argent. Aux filles. Si tu veux savoir ce qui se passe dans la cité, écoute mon album.

Q: Vous venez justement au Québec pour lancer ce disque. Mais aussi pour présenter Streetswagg, votre propre collection de vêtements. Êtes-vous le Puff Daddy français?

R: Puff Daddy est devenu multimillionnaire avec ses fringues. Il fait entre 60 et 100 millions par an depuis cinq ans rien qu'avec ça. C'est impossible d'être aussi big que ça. Mais je peux te dire que ce mec est un modèle pour les jeunes. Il est parti de rien et regarde aujourd'hui. Moi, la mode, c'est pas mon kif. Mais je préfère avoir ma propre marque que de prêter mon image à d'autres. Et tant mieux si ça me rapporte un peu plus de tunes. J'ai pas de complexes à le dire.

Q: Et cette excellente barbichette? Ça vient d'où?

R: Je la porte de puis sept ans. Aujourd'hui, ça fait partie de moi. Je m'en fous. J'ai pas peur de passer pour un con. Par contre, c'est l'emmerde au petit-déjeuner. Elle finit toujours dans mon bol de Corn Flakes...

La Fouine, en spectacle ce soir au Théâtre Barney Danson, à Ottawa, et demain au Club Soda.