Deux grands noms de la scène musicale internationale posent leurs valises à Montréal le temps d'un concert, demain soir à la Place des Arts. Le maestro Valery Gergiev dirige l'orchestre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, et accompagne le pianiste Denis Matsuev dans le fameux troisième Concerto de Rachmaninov.

Le Mariinsky est une véritable institution en Russie, et il est acclamé comme l'un des meilleurs orchestres au monde. Fondé au XVIIIe siècle sous le règne de Pierre le Grand, il a été dirigé à maintes occasions par les plus grands noms de la musique: Tchaïkovsky, Berlioz, Wagner et Mahler, pour ne nommer que ceux-là.

 

Depuis 1988, l'infatigable Valery Gergiev dirige le Mariinsky avec une fougue et un charisme qui font de lui l'un des chefs les plus médiatisés du monde. Totalement dévoué à la musique, celui que la presse française a qualifié de «tsar de la musique russe» donne plus de 200 concerts par année. Il dirige aussi le London Symphony Orchestra, et régulièrement au Metropolitan Opera. La Presse a échangé quelques mots au téléphone avec le maestro alors qu'il était à New York, cette semaine, où il dirigeait la première de l'opéra Le Nez, de Chostakovitch, au Met.

Il évoque ses débuts à la tête du Mariinsky, à seulement 35 ans, en pleine perestroïka, alors que la formation fonctionnait avec des ressources financières limitées. Il a dû travailler d'arrache-pied pour que l'orchestre, rebaptisé Kirov pendant l'ère soviétique, retrouve sa place dominante sur la scène musicale.

Sous sa baguette, le Mariinsky a repris son nom original en 1992, et enregistré bon nombre de disques depuis. Le chef a également entraîné ses musiciens dans une série de tournées mondiales où l'on donne, la plupart du temps, la vedette aux compositeurs russes. «Rien de plus naturel avec une tradition musicale aussi riche que la nôtre», dit le chef.

C'est un programme presque entièrement russe auquel on aura droit demain, à une exception près. En entrée, on pourra entendre un extrait de l'opéra Les Troyens, de Berlioz. Il s'agit de Chasse royale et orage, un intermède symphonique. Il sera suivi du célèbre troisième Concerto pour piano de Rachmaninov.

Son interprète, le jeune russe Denis Matsuev, est une star dans son pays dans la même mesure que Lang Lang en Chine. Il est encensé par la critique et connaît une carrière internationale phénoménale depuis qu'il a remporté le concours Tchaïkovsky en 1998. Le London Times l'a même comparé à Vladimir Horowitz.

«Je crois que Denis Matsuev est un vrai virtuose, brillant, dit Valery Gergiev. Non seulement est-il capable d'apporter de la virtuosité à ce grand concerto, mais il peut aussi en démontrer tout le lyrisme, l'élégance et la finesse.» Les deux musiciens collaborent depuis déjà deux ans, et ont enregistré ce concerto tout récemment, sur étiquette Mariinsky.

Le concerto sera suivi de la 15e Symphonie de Chostakovitch, la dernière du compositeur, écrite vers la fin de sa vie. «Quand vous l'écoutez, vous avez, en quelque sorte, un tableau de tout son cycle symphonique, dit Gergiev. Toute sa vie, d'une certaine façon, est reflétée dans cette oeuvre, qui englobe ses souvenirs musicaux. On y trouve des citations de ses propres oeuvres mais aussi de Wagner, de Mahler et de Rossini. Elle apporte aux auditeurs une expérience à la fois plaisante et très profonde, philosophique et même mystique, parce que certaines de ses pages décrivent la différence entre la vie dans notre monde et dans l'autre. C'est une déclaration unique et très personnelle du compositeur.»

Il est aussi important, rappelle Gergiev, de réaliser que Chostakovitch, qui est né à Saint-Pétersbourg, a connu ses premières expériences musicales de jeunesse grâce au Mariinsky. «C'est ce même orchestre qu'il a écouté il y a presque cent ans qui joue aujourd'hui son oeuvre», conclut le maestro.

Concert de l'Orchestre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, dirigé par Valery Gergiev, demain, 19h30, salle Wilfrid-Pelletier.